mardi 31 décembre 2002

La musique de Beethoven (la IX° symphonie par exemple) peut sembler, parfois, insupportablement bête dans son optimisme. Crispante.

dimanche 29 décembre 2002


"Les portes ouvertes. Suprême métaphore de l'ordre, de la sécurité, de la confiance : "On dort les portes ouvertes." C'est bien parce qu'on dormait qu'on faisait le rêve des portes ouvertes ; dans la vie de tous les jours, y répondaient, dès qu'on ouvrait l'oeil, et spécialement pour qui aimait l'ouvrir et y regarder de près, et comprendre et juger, autant de portes closes. Principale porte close, les journaux."



"Vous connaissez mes idées", dit le procureur général. Excellent début : de quelqu'un dont on ignore les idées et même s'il en a jamais eu."

"Considérez si les instincts qui bouillonnent à l'occasion d'un lynchage, la fureur, la folie des gens, ne sont pas en définitive, d'une atrocité moindre que le rite macabre promu par une cour de justice émettant un arrêt de mort : un arrêt qui, justement au nom de la justice, du droit, de la raison, du Roi par la grâce de Dieu et la volonté de la nation, livre un homme, comme c'est chez nous le cas, au feu de douze fusils : douze fusils épaulés par douze hommes qui, enrôlés pour garantir le bien public, ce bien suprême qu'est la vie, à un certain moment se sont sentis appelés, et ont répondu de toute leur volonté, à commettre un crime qui restera non seulement impuni mais sera récompensé... une vocation à l'assassinat qui se réalise avec gratitude et gratification de la part de l'Etat.
-N'exagérons rien", dit le procureur."

"Tant il est vrai que nous nous trompons souvent en jugeant nos semblables comme en tout point semblables à nous-mêmes. Il en est de pires, mais de meilleurs aussi."


samedi 28 décembre 2002

"L'auto-destruction n'est qu'une technique pour construire autre chose que soi."

Marc-Edouard Nabe.

vendredi 27 décembre 2002

Malheur intermédiaire


"Quand un malheur survient, il expulse notre bonheur. Mais si nous surmontons ce malheur, nous obtenons un bonheur plus grand que le bonheur perdu...

- Attirer le malheur pour obtenir un plus grand bonheur est un calcul stupide. Pour que le bonheur obtenu soit plus grand que le bonheur perdu, il faut que le malheur intermédiaire soit un vrai malheur, imprévu et inattendu, épouvantable et effroyable."


jeudi 26 décembre 2002

Exécution

"Deux mouvements cruciaux dans l'exécution : le commencement et la fin. Le commencement doit être à l'image d'un cavalier lancé au galop ; celui-ci éprouve la sensation de pouvoir à tout moment freiner le cheval sans l'arrêter tout à fait. La fin, elle, doit ressembler à une mer qui reçoit tous les cours d'eau qui se déversent en elle ; celle-ci donne l'impression de pouvoir tout contenir, tout en étant menacé de débordement."

Wan Yu.

mercredi 25 décembre 2002


"Règle fondamentale aux échecs, dans la vie, en littérature : renforcer les points forts, jamais les points faibles."


lundi 23 décembre 2002

L'Usage du monde


"L'Asie engage ceux qu'elle aime à sacrifier leur carrière à leur destin. Ceci fait, le coeur bat plus au large, et il y a bien des choses dont le sens s'éclaire."


mardi 17 décembre 2002

"Nous autres, nous avons des droits différents des gens normaux, car nous avons des besoins différents qui nous mettent au-dessus - il faut le dire et le croire - de leur morale. Ton devoir est de ne te consummer jamais dans le sacrifice. Ton devoir réel est de sauver ton rêve."

Exposition Modigliani au Luxembourg. Cariatides gréco-africaines. Ou bien, ce n'est sans doute pas exprès, mais certains visages, ronds, à petite bouche, aux yeux bridés, semblent des plagiats de peinture seldjoukide.
Très beau portrait de Soutine, malheureusement écrasé par une lumière jaune, désastreuse, qui aplatit les couleurs et gomme les dessins au point que certains sont à peine visibles. Jamais vu un accrochage ausi calamiteux.
Ses fonds. Très beaux fonds, notamment celui du Nu couché qui évoque tant l'Olympia de Manet, avec les mêmes grands yeux noirs, directs. Chocolat/brun chaud, blanc cassé, très beau bleu/rouge.
Ses nus : douce sensualité, volupté discrète. Rien à voir avec l'hystérie convulsée de Picasso ou la radieuse "nature brute" de Matisse. Nudité blonde et rose : un Italien.

Fillette en bleu : très imposante. La présence et la gravité des enfants dans la littérature anglaise. Regard inquisiteur, attentif, qui sonde. Bleu liquide, aigue-marine des yeux, identique au mur pour accentuer l'effet transparent du regard.
Jeune fille à la frange (72).
Jolie Jeune fille au béret (77), fraîche et acidulée comme une illustration de livre enfantin.
79. La jeune fille rousse. Visage de trois-quarts, mince et jaune, comme un greyhound.

Le conformiste

"Par conséquent, de quoi un conformiste a-t-il peur exactement quand il est confronté à ces hautes élaborations esthético-théologiques ? DE DEVENIR FOU. C'est ce qui le fait reculer les lèvres pincées devant ce qui s'ouvre à lui comme abîme de la folie qui l'habite. C'est-à-dire de l'enfer qui l'habite. Car qu'est-ce qu'un/qu'une conformiste ? C'est quelqu'un/quelqu'une qui n'ose pas s'avouer que son désir c'est l'enfer. C'est pour cela qu'un/qu'une conformiste fonctionne dans la malveillance permanente, la calomnie généralisée sans se rendre compte qu'elles sont la cause de sa jouissance. Inconscient, le/la conformiste est tout simplement un corps qui ne sait pas, et n'a probablement aucune chance de savoir que son mouvement n'est rien que la nécrophilie vivante, un attachement à une sorte de spectralité."

Philippe Sollers.

samedi 14 décembre 2002

"Deux et deux font six, dit le tyran. Deux et deux font cinq, dit le tyran modéré. A l'individu héroïque qui rappellerait, à ses risques et périls, que deux et deux font quatre, des policiers disent : "Vous ne voudriez tout de même pas qu'on revienne à l'époque où deux et deux faisaient six !".

Philippe Sollers.

vendredi 13 décembre 2002

Tradition

Comme chaque année, le Beaujolais nouveau est dégueulasse.

Parle avec elle


Au Grand Pavois, vu Parle avec elle, d'Aldomovar. C'est le premier film de lui que je vois. Fable baroque, un peu irritante au début, puis prenante, âpre, pour finir je ne m'ennuyais pas du tout. Le hic, c'est qu'il y a peu de personnages vraiment attachants, sauf Alicia, mignonne de bout en bout et son professeur jouée par Geraldine Chaplin. La torera est une conne avec une gueule épouvantable quand elle embroche ces pauvres taureaux. Les taureaux par contre étaient remarquables... le premier avait un oeil d'une sérénité et d'une intelligence pathétiques devant les Barbares, l'autre (qui l'a vengé) la superbe prestance d'un minotaure de Picasso vu de trois-quarts, un oeil de justicier... Bref personne ne la regrette longtemps sur son lit d'hosto sauf l'autre connard de torero qui la vaut bien... L'écrivain pleure beaucoup, tellement que ça en est énervant, on dirait Pierre Richard dans Les Compères, sauf que Pierre Richard était drôle. L'infirmier a vraiment le physique de l'emploi, tout mou. Mais bon l'histoire accroche et la fin me plaît. Les fins miraculeuses me plaisent toujours. J'ai aussi aimé le dialogue sur les missionnaires violeurs de bonnes soeurs ou pédophiles, comme dans la vie on choisit dessert ou fromage.

Le film muet intercalé est assez stupéfiant. Surtout la reconstitution du sexe de l'amante vue en géante : caoutchouc mousse et tampon-jex.

mardi 10 décembre 2002

Être son propre temps à soi et l'être intégralement

Qâzî Sa'îd Qommî et sa métaphysique du Temps :

"Je ne veux pas dire que la totalité (de cette unité formée par la personne) soit existante dans le moment présent (le nunc). Il ne nous est pas plus possible de le dire que de dire, en considérant sa dimension dans l'espace, que la totalité de cette dimension existe, par exemple, dans la partie centrale. Je ne dis pas non plus que le temps passé soit existant dans les choses qui pour toi sont restées en arrière (dépassées), ni que le temps futur soit existant dans les choses à venir, puisque le temps n'est pas quelque chose qui a un temps et un lieu (et que cela reviendrait à parler d'un temps du temps futur et d'un temps du temps passé). Non pas, je dis que le temps qui est à tes yeux le temps passé, et que le temps qui est à tes yeux le temps futur attendu, en fait se tiennent embrassés l'un l'autre (ta'âqanâ) au regard de l'horizon suprême, et se tiennent à jamais embrassés pour celui devant qui il n'y a ni matin ni soir."

Embrassés l'un l'autre... et là je pense à mes dragons entrelacés...

Henry Corbin ajoute ensuite : "Qâzî Sa'ïd évoque les feuillets du livre qui seront déployés pour chaque homme au jour de la Résurrection. Les feuillets, ce sont les jours qui se succèdent, son quantum de temps à l'échelle de ce monde; le livre est l'ensemble de la vie. Et c'est au livre tout entier que correspond le malakût du temps de chacun; les feuillets que l'on tourne disparaissent si peu, qu'un être du Malakût peut les tourner à volonté dans un sens ou dans l'autre, et dans le grand Livre du monde il peut lire d'avance les feuillets. Puis notre auteur propose cette comparaison : "Reste une heure au bord d'un fleuve à contempler l'eau qui s 'écoule. Tu ne penseras certainement pas que l'eau qui s'est éloignée de toi, a cessé pour autant d'exister. Eh bien, il se peut que pour un groupe d'entre les hommes au coeur pur, il en aille pour le cours du temps comme pour le cours du fleuve."

Plus loin : "...il reste que Qâzî Sa'îd est un de ces philosophes et spirituels iraniens dont a beaucoup à apprendre celui qui veut non pas "être de son temps", "vivre avec son temps", suivant la devise triviale de nos jours, mais être son propre temps à lui et l'être intégralement."


Être son propre temps à soi et l'être intégralement. Voilà, tout est dit.

dimanche 8 décembre 2002

Barzakh

La plus belle définition du barzakh (l'intermonde entre l'Outremonde et ce monde), c'est quand même Ibn Arabî qui la donne :

"Le barzakh est une séparation idéale entre deux choses voisines, qui jamais n'empiètent l'une sur l'autre; c'est, par exemple, la limite qui sépare la zone d'ombre et la zone éclairée par le soleil. Cependant les sens sont incapables de constater une séparation matérielle entre les deux; c'est l'intellect qui juge qu'il y a là quelque chose qui les sépare. Cette séparation idéale, c'est cela le barzakh."
Dire que Hafez, ici, passe pour un poète libertin, un Abu Nuwas iranien !

"Si l'effusion de l'Esprit-Saint dispense de nouveau son aide, d'autres à leur tour feront ce que Christ lui-même faisait." Dîwan.

Avide

"Je suis avide quant à la vie et je suis avide comme artiste. Je suis avide de ce que le hasard peut, je l'espère, me donner qui dépasse de loin quoi que ce soit que je puisse calculer logiquement."

Francis Bacon.

vendredi 6 décembre 2002

"Quand deux individus se désirent vraiment, le démon souffre."

Philippe Sollers.

jeudi 5 décembre 2002

"Tout l'art de la guerre consiste à manifester de la mollesse pour accueillir avec fermeté ; à montrer de la faiblesse pour faire valoir sa force ; à se replier pour mieux se déployer au contact de l'ennemi. Vous vous dirigez vers l'ouest ? faites semblant d'aller vers l'est ; montrez-vous désunis avant de manifester votre solidarité ; présentez une image brouillée avant de vous produire en pleine lumière. Soyez comme les démons qui ne laissent pas de traces, soyez comme l'eau que rien ne peut blesser. Là où vous vous dirigez n'est jamais là où vous allez ; ce que vous dévoilez n'est pas ce que vous projetez, de sorte que nul ne peut connaître vos faits et gestes. Frappant avec la rapidité de la foudre, vous prenez toujours à l'improviste. En ne rééditant jamais le même plan, vous remportez la victoire à tout coup. Faisant corps avec l'obscurité et la lumière, vous ne décelez à personne l'ouverture. C'est là ce qu'on appelle la divine perfection."

Houai-nan-tse

mardi 3 décembre 2002

Ashiq


"Si vous aimez quelqu'un, aimez-le passionnément et à tout instant, c'est le temps en personne qui vous aime."


mardi 26 novembre 2002

Ecriture

"Il n'est rien dans le monde, qui ne puisse être considéré comme une écriture."

Abou Ya'quoub Sejestanî.

dimanche 24 novembre 2002

"Comme il hennit joyeusement

Ecoute le cheval turquoise du Dieu Soleil."

Chant navajo, Trésors de la poésie universelle.

samedi 23 novembre 2002

jeudi 21 novembre 2002

Être et avoir


Vu "Être et Avoir" hier. Beau documentaire. Cet humanisme républicain, "tous égaux, tous différents" (ce n'est pas, contrairement à que ce les régionalistes nous serinent, l'école qui a raboté les régionalismes), on ne l'a jamais égalé dans l'enseignement. Cela m'a rappelé beaucoup de mon enfance aussi. A côté, de petites Parisiennes qui s'ébahissaient de la classe unique, du car de ramassage scolaire, de la cour de récré envahie par la neige et des parties de luge, et de voir ce gamin qui conduisait naturellement le tracteur de son père. Et nous à l'époque, on ne disait même pas "Monsieur" mais "Maître" ou "Maîtresse".

mardi 19 novembre 2002

Dans les romans d'aventures, les forêts sont presque toujours décrites comme étant "impénétrables". Et ce au moment précis où les héros vont s'y engager.
"Midi là-haut, Midi sans mouvement,

En soi se pense et convient à soi-même"

Paul Valéry, Le cimetière marin.

dimanche 17 novembre 2002

Une pluie d'étoiles filantes, dans la nuit du 18 au 19... Les Léonides, ma constellation ! A voir tous les 33 ans, et cette année elles seront particulièrement brillantes. Dommage que je sois sous ce ciel bouché de Paris pour voir ça.

samedi 16 novembre 2002

"Ô jour lève-toi, les atomes dansent, les âmes éperdues d'extase dansent, la voûte céleste, à cause de cet Être danse ; à l'oreille je te dirai où l'entraîne sa danse ; tous les atomes qui se trouvent dans l'air et le désert, sache bien qu'ils sont épris comme nous, et que chaque atome heureux ou malheureux est étourdi par le soleil de l'âme inconditionnée."

Jalal-od-Din Rumî.

mercredi 13 novembre 2002

Tangka

"Les Turcs demandaient d'un habile guide d'armée les qualités de dix animaux : la bravoure du coq, la chasteté de la poule, le courage du lion, l'agressivité du sanglier, la ruse du renard, la persévérance du chien, la vigilance de la grue, la prudence du corbeau, l'ardeur au combat du loup, l'embonpoint du yagru, animal qui, malgré toute peine et tout effort, demeure gras."

Al-Mada 'Ini.

samedi 9 novembre 2002

Doxa


"Mais c'est faux. C'est toujours ce que la société dit. Dans toute littérature orale, le narrateur est la société. Tous les mythes déclarent partout sur terre : il n'y a pas d'amour heureux, afin de préserver les échanges de clan à clan et les alliances généalogiques.

Mais c'est faux.

Car il y eut des amants interdits qui connurent le bonheur.

Car il y eut des hommes seuls, des ermites, des errants, des périphériques, des chamans, des centrifuges, des solitaires qui furent les plus heureux des êtres."



"Il y a un monde où les âges ne sont pas égaux, où les sexes ne sont pas indifférents, où les rôles ne sont pas équivalents, où les civilisations ne sont pas confondibles.
Il y a un monde où l'ignorant n'est pas l'égal du savant, où l'oral n'a pas la même "voix" que l'écrit, ni le vulgus que l'atomos, ni le barbare que le civilisé.
Il y a un autre monde."

Egaux


" Démagogique, égalitaire, fraternelle, ces mots désignent la même attitude : des meurtriers se surveillent du coin de l'oeil. Ils participent à la même aversion pour toutes les supériorités. Ils sont tous blottis les uns contre les autres, serrant les mains sur leur anxiété comme si elle était un sexe qui était sur le point de leur être soustrait, quémandant une protection, un interdit, une chaine, un médicament supplémentaire.
Cet effroi devant l'indépendance et le désir se métamorphose naturellement en haine contre ceux qui revendiquent un peu d'ombre dans le dessein de dérober à la vue de tous leurs jouissances.

Pour eux la liberté est une émeute.

Ils ont peur s'ils ne dorment pas."

Inutile


"Malheur à celui qui a connu l'invisible et les lettres, les ombres des anciens, le silence, la vie secrète, le règne inutile des arts inutiles, l'individualité et l'amour, le temps et les plaisirs, la nature et la joie, qui ne sont rien de ce qui s'échangent et qui constituent la part obscure de la marchandise."

"Vivre dans l'angle - in angulo - du monde."

Déicide


C'est vrai que l'empereur Tibère est "celui qui tua Dieu."

Une phrase que j'aime : "Mais on ne peut déduire d'une vie qui devient entièrement cachée qu'elle est plus innocente." Je ne sais pas pourquoi j'aime cette phrase. Ce n'est pas tant ce qu'elle dit, je crois que c'est son rythme, son équilibre, fluide, léger. Quelque chose du clavecin. Très français.

"L'écrivain comme le penseur savent qui est en eux le vrai narrateur : la formulation."

"Deux tours plus hautes que celles de Babel s'effondraient exactement comme les grands bouddhas de Bamiyan."
"Elle est retrouvée !

- Quoi ? L'éternité.

C'est la mer mêlée

Au soleil.



Mon âme éternelle

Observe ton voeu

Malgré la nuit seule

Et le jour en feu.

...

Elle est retrouvée !

- Quoi ! - l'Eternité.

C'est la mer mêlée

Au soleil !"

Arthur Rimbaud

vendredi 8 novembre 2002

"Elle est retrouvée.

Quoi ? - L'Eternité.

C'est la mer allée avec le soleil.



Âme sentinelle,

Murmurons l'aveu

De la nuit si nulle

Et du jour en feu."

Arthur Rimbaud.

jeudi 7 novembre 2002

Nuisibles

"Trois petits animaux, le putois, la belette et la martre, ont été reclassés parmi les espèces nuisibles, aux termes d'un arrêté signé mercredi soir par la ministre de l'Ecologie, Roselyne Bachelot.

Les trois mammifères carnivores sont accusés par les agriculteurs de faire des ravages dans leurs cultures et leurs poulaillers en s'attaquant aux volailles et aux lapins. Ils sont également dénoncés par les chasseurs qui leur reprochent de tuer leur gibier d'élevage, faisans et perdrix notamment."

mercredi 6 novembre 2002

Interview de Pierre Boulez ce matin, sur France-Culture. J'en avais entendu tant de mal (notamment par les baroqueux). Intelligence sensible, posée ; ferme. Un homme à principes.
"Travel is dangerous for birds and men. (Odysseus had shared the danger of the Hoopoe in the through of the wave). When I leave Geneva to go to Greece, when I leave my home in the twentieth century to visit Hellas, I hold my breath until the weeks of wandering are over, until home-life is restored, the family re-united. The Wood Warblers, even on Mykonos, can have no greater sense of the precariousness of its own life than I have. I am one with Odysseus and the Hoopoe."

The Storm petrel and the owl of Athena. Louis Halle.

lundi 4 novembre 2002

Bruxelles

Locutions belges

Maladies confidentielles.

Mon âme a beaucoup travaillé sur ce mot belge.

Confidentielles me paraît absurde ; car combien qu'il soit vrai que ces maladies ne se communiquent que dans le secret et le privé, il est bien certain que, chez les Français du moins, on n'annonce pas à l'avance, même quand on la sait, soi-même, la confidence en question à l'être à qui on désire la communiquer.

Joie et triomphe ! Eurêka ! Cette locution dérive probablement du caractère excessivement prude, bégueule et délicat de ce subtil peuple belge ! - Ainsi je suppose que dans le grand monde de Bruxelles, une jeune fille ne dit pas : Ce jeune homme m'a foutu la vérole,

- et qu'un jeune homme ne dit pas, en parlant d'une fille bien élevée :

Elle m'a poivré !

Ils préfèrent dire, l'une :

- Ce jeune homme m'a fait une confidence bien cruelle ! Ou bien : Ce jeune homme m'a fait une confidence si horrible, que les cheveux m'en sont tombés !

Et l'autre : Elle m'a fait une confidence dont je me souviendrai longtemps ! Ou bien : Je lui ai fait ma confidence ! sa postérité s'en souviendra jusqu'à la troisième génération !

Ô bons pharmaciens belges ! J'aime passionnément votre dictionnaire, et l'euphémisme domine, dans vos réclames !"

Sur la Belgique, Pauvre Belgique ! Charles Baudelaire.

dimanche 27 octobre 2002

"On doit se ranger du côté des opprimés en toute circonstance, même quand ils ont tort, sans pourtant perdre de vue qu'ils sont pétris de la même boue que leurs oppresseurs."

Cioran, De l'inconvénient d'être né, VIII.

"Bach était querelleur, processif, regardant, avide de titres, d'honneurs, etc. Eh bien ! Qu'est-ce que cela peut faire ? Un musicologue, énumérant les cantates qui ont la mort pour thème, a pu dire que jamais mortel n'en eut autant la nostalgie. Cela seul compte. Le reste relève de la biographie."

"La joie est une lumière qui se dévore elle-même, intarissablement ; c'est le soleil à ses débuts."


Oisiveté


""Est-ce que j'ai la gueule de quelqu'un qui doit faire quelque chose ici-bas ?" - Voilà ce que j'aurais envie de répondre aux indiscrets qui m'interrogent sur mes activités."

"Personne ne clame qu'il se porte bien et qu'il est libre, et pourtant c'est ce que devraient faire tous ceux qui connaissent cette double bénédiction. Rien ne nous dénonce davantage que notre incapacité de hurler nos chances."


Enfer


"Ce qui rend les mauvais poètes plus mauvais encore, c'est qu'ils ne lisent que des poètes (comme les mauvais philosophes ne lisent que des philosophes), alors qu'ils tireraient un plus grand profit d'un livre de botanique ou de géologie. On ne s'enrichit qu'en fréquentant des disciplines éloignées de la sienne. Cela n'est vrai, bien entendu, que pour les domaines où le moi sévit."

"En tant qu'orang-outan proprement dit, l'homme est vieux ; en tant qu'orang-outan historique, il est relativement récent : un parvenu, qui n'a pas eu le temps d'apprendre comment se tenir dans la vie."

"Toute ma vie j'aurai vécu avec le sentiment d'avoir été éloigné de mon véritable lieu. Si l'expression "exil métaphysique" n'avait aucun sens, mon existence à elle seule lui en prêterait un."

De l'extérieur, dans tout clan, toute secte, tout parti, règne l'harmonie ; de l'intérieur, la discorde. Les conflits dans un monastère sont aussi envenimés que dans n'importe quelle société. Même lorqu'ils désertent l'enfer, les hommes ne le font que pour le reconstituer ailleurs."


Jargon


""C'est le propre de toute forme parfaite que l'esprit s'en dégage de façon immédiate et directe, tandis que la forme vicieuse le retient prisonnier, tel un mauvais miroir qui ne nous rappelle rien d'autre que lui-même."

En faisant cet éloge - si peu allemand - de la limpidité, Kleist n'avait pas songé spécialement à la philosophie, ce n'est pas en tous cas elle qu'il visait ; il n'empêche que c'est la meilleure critique qu'on ait faite du jargon philosophique, pseudo-langage qui, voulant refléter des idées, ne réussit qu'à prendre du relief à leurs dépens, qu'à les dénaturer et à les obscurcir, qu'à se mettre lui-même en valeur. Par une des usurpations les plus affligeantes, le mot est devenu vedette dans un domaine il devrait être imperceptible."


mardi 22 octobre 2002

Keiko l'orque vedette ne redeviendra jamais "sauvage" malgré 20 millions de dollars dépensés pour ça... La Connerie culmine toujours dans les bonnes intentions des "bonnes gens". La dictature des grands sentiments. C'est comme si on forçait Tosca à redevenir sauvage... la tronche qu'il ferait en attendant qu'une boite de whiskas tombe de l'arbre !
Ces crétins, parce qu'ils ne s'aiment pas eux-mêmes, oublient que la plupart des animaux aiment la compagnie des hommes, et la trouvent agréable. C'est même comme cela qu'a commencé la domestication.

jeudi 17 octobre 2002

Brigitte Friang, résistante, déportée, reporter de guerre : "Le danger c'est très amusant : on se vérifie soi-même."
Et aussi : "J'aime bien la guerre au fond, on rencontre des gens merveilleux."

mardi 15 octobre 2002

Les monts de Géorgie


"L'ombre a voilé les monts de Géorgie
devant moi gronde l'Aragva
Je me sens libre et plein d'une peine sereine
Et ma tristesse est claire
de ton seul souvenir
Nulle angoisse poignante ne blesse ma mélancolie
Et l'amour se reprend à embraser un coeur
qui sans amour serait sans vie."

Alexandre Pouchkine, Poésies

vendredi 11 octobre 2002

Exposition Matisse Picasso. Naturellement si l'on reproche à Matisse d'être décoratif, hédoniste, émotif, c'est qu'on ne connait rien à l'art islamique.
Mais l'hermétisme de Picasso (qui au fond sait vraiment lire un papier collé) n'est-il pas ultra-occidental ?

Le meneur de cheval, 1906, huile sur toile, Picasso. La beauté de ce cheval, élégant, sensuel et doux, le cheval tel que savent les peindre les Espagnols, comme Vélasquez. A côté le jeune garçon nu, corps d'étalon lui aussi, deux jeunes bêtes dans un espace. Le visage un peu abruti du garçon, moins éveillé que le regard du cheval, les portraits d'animaux chez Picasso sont toujours les plus humains.

Il y a aussi ces trois corps lourds gauches et attendris penchés sur la minuscule petite tortue, perle rouge perdue dans le vert (Baigneuses à la tortue, 1908, huile sur toile, Matisse).

Les sculptures de Matisse sont moins bonnes, il modèle, il ne sculpte pas.

Femme nue aux bras levés, huile sur toile, Picasso : Grâce impudente, nonchalente. Ces études pour nu debout, gravures sur bois, qui sont comme comme des images de lianes et de fougères dans la jungle. Le beau Nu allongé de Matisse, encre de Chine, 1906 : cette toison pubienne décalée sur la gauche, tout près d'être tronçonnée par le bord du papier.

Il n'y aucun tableau de Max Ernst, Chirico ou Magritte qui atteigne au surréalisme inquiétant de la Leçon de piano, 1916. Ce triangle comme détaché du volet qui masque la partie supérieure gauche du visage de l'enfant, pointée vers le le métronome.

Les Trois musiciens, Picasso, 1921, huile sur toile : Variations partant des visages nègres, toute une gamme de bruns chocolats sur les murs, le sol.

Lorette sur fond noir, robe verte, 1916, Matisse. Je ne sais pourquoi cette femme aux yeux baissés me fait penser à l'Ada tel que la voit Van, dans Ada ou l'ardeur, et "son cou japonais".

Nature morte au pichet et aux pommes, 1919, Picasso , là aussi, il est Espagnol, c'est du pur Zurbaran.

Le peintre, 1934, Picasso : un modèle convulsé, révulsé, mauve et vert, couleurs émotives, et presque en dehors du tableau, le peintre : jaune net, une toile bleue nette. Pas d'émotion : le regard, le crayon.

Le beau visage du Rêve de Matisse : le sommeil absolu des chats ; douce mélancolie du Nu au fauteuil rouge, Picasso ; très belle tête de Marie-Thérèse en bronze, 1931 ; le cynisme rigolard de l'Aubade (Picasso, 1942), est-il ici question de musique ? Bien sûr que non, ce dont il s'agit c'est d'un corps nu féminin étendue sur un divan, un corps qui écoute et qui en jouit, et l'autre, le musicien, ce couillon en bleu et vert, à qui on ne demande que cela, cette prestation.Naturellement un très beau Minotaure en papier collé, on termine sur les nus bleus, je me demande ce que donne la chapelle aux vitraux de Matisse, ma mère me dit qu'elle donne la même impression bienfaisante et heureuse qu'une mosquée. La peinture de Matisse me fait penser à ce que disait Jean-Edern Hallier, sur les initiales de Jean-René Huguenin, Je rends Heureux. La peinture de Matisse rend heureux. Celle de Picasso c'est le plaisir de l'intelligence, de débrouiller la construction, d'ébahissement aussi devant ces assemblages, Intelligences agentes, du monde des Fixes.

lundi 7 octobre 2002

Humanisme


"M'Bemba finit en citant Aimé Césaire : "Ce que la bourgeoisie humaniste ne pardonne pas à Hitler, c'est l'humiliation de l'homme blanc. C'est qu'il a appliqué à l'Europe les mêmes supplices que ceux infligés depuis des siècles à l'Algérie et aux coolies de l'Inde."


samedi 5 octobre 2002

Jean-Baptiste Gouffet, Leçons de Ténèbres. Déploration, mais de la tenue. Une modestie fraîche, le beau 17ème, même si l'on est en 1706. Le temps où l'on vouvoyait Dieu encore.

Vocation


"Chacun sa vocation. Je pense qu'il existe certains braqueurs qui se font passer pour des terroristes, mais pas plus que des bourgeois qui se font passer pour des révolutionnaires, ou des journalistes qui se font passer pour des écrivains. L'essentiel, c'est d'être fait pour ce qu'on veut faire. L'authenticité enclenche tout le reste. Spaggiari était né pour être voleur comme Rouillan pour être terroriste et moi pour être artiste. Ce sont des destins qui ne s'inventent pas. Après, chaque apôtre prend ses risques."

vendredi 4 octobre 2002

El Gran Barroco de Bolivia, toujours à me tirer des larmes ce CD... triste soir de deuil et d'amour éternel... Laudate pueri Dominum...Cette marche des violons, saccadé velouté, laudate nomen Domini, il faut avancer dans le grand hiver. Et cette voix de soprane, droite, lumineuse et condensée comme une hématite, voix d'agneau promise au couteau d'Abraham, est-ce que la main de l'ange l'arrêtera cette fois-ci...Dixit Dominus... Hoy la tierra produce una rosa... Cierto es... Desde un laurel frondoso... Miserere mei, Deus... A quién no mueve a dolor ? Quien sera ? A este festejo y concurso... les violons recommencent, flambeaux oscillants, s'étreindront, ne s'éteindront pas, la voix encore, candeur... lances des glaciers fiers, tout reprend.

Les oreilles de Kafka


"Dimanche 26 octobre 1986. - Fatigue. Désabusement. Et j'ai encore la force de mouiller à la gouache quelques portraits de Kafka. Pourquoi Kafka ? Je n'en sais rien moi-même. Peut-être à cause des oreilles."


dimanche 1 septembre 2002

Le premier mouvement de la suite n°1 pour orchestre de J.S.Bach m'émeut toujours autant. Mélancolie majestueuse, mais aussi intime, peine secrète, sourire d'eau de pluie.

vendredi 30 août 2002

Ce matin, rediffusion d'une émission de France Culture sur le procès Touvier. Ce récit d'un ancien prisonnier qui s'était un peu lié avec le jeune juif inconnu exécuté. Celui-ci, pour annoncer sa sentence, en rentrant dans sa cellule avait fredonné l'air de la Tosca où le peintre chante qu'il va être fusillé le lendemain.

Comme j'aime ce genre d'homme grave et léger ! Et puis quelqu'un qui meurt un air d'opéra aux lèvres m'émeut plus que n'importe quelle prière ou profession de foi politique.

lundi 26 août 2002

Djavanmardî

"Là même s'origine la profonde différence entre la spiritualité d'un Rûzbehân et de ses pareils, non seulement à l'égard de l'ascète chrétien en général, mais à l'égard de ceux des soufis en Islam que Rûzbehân désigne comme les "pieux ascètes" (zohhâd) par contraste avec les fidèles d'amour, c'est-à-dire en général tous les dévots pour qui la beauté humaine, la beauté sensible en général, est un piège, voire une suggestion diabolique, et l'amour humain, non pas l'accès à l'amour divin, mais l'obstacle à celui-ci. L'originalité du soufisme iranien est là : elle comporte un défi et une éthique individuelle, héroïque et secrète, typifiée dans le personnage du javânmard, le chevalier de l'âme. Pour Rûzbehân, comme pour Ahmad Ghazâlî, Fakhr 'Erâqî, Hâfez, il s'agit d'un même amour. Comme il l'écrit : "Il ne s'agit que d'un seul et même amour, et c'est dans le livre de l'amour humain ('ishq insânî) qu'il faut apprendre à lire la règle de l'amour divin ('ishq rabbanî)." Il s'agit donc d'un seul et même texte, mais il faut apprendre à le lire ; ici, par excellence, l'exégèse du texte se révèle comme étant l'exégèse même de l'âme ; il faut s'initier à une herméneutique spirituelle, à un ta'wil de l'amour, parce que l'amour humain est un texte prophétique."

Henry Corbin, En Islam iranien, t. III.

jeudi 13 juin 2002

Militant et connard

Cavanna sur France Culture. Un temps, je suis tentée de racheter Charlie-Hebdo maintenant que la droite va passer. Mais l'intervention de Choron, unique, décapante, le vrai génie : "Charlie-Hebdo journal politicard militant et connard." L'a raison.

vendredi 7 juin 2002


Publication (et très bien faite) de l'intégralité des essais de Hannah Arendt sur l'antisémitisme, le procès Eichmann et le totalitarisme. Il était temps d'ailleurs, d'après ce qu'il me semble il n'y a qu'en France que ces volumes étaient en éditions dispersées.

D'emblée je suis frappée par la liberté de ton. On ne pourrait plus aujourd'hui, s'exprimer sur le judaïsme et l'antisémitisme avec cette objectivité rigoureuse, acerbe, quelque peu sévère, sans se faire interdire, vilipender, lyncher par les meutes de la LICRA et consort. Même Hannah Arendt aurait des ennuis aujourd'hui. ça fait du bien cependant cette analyse passionnante, en rien pleurarde. Les pages sur Disraëli, l'analyse des rapports entre les juifs et l'aristocratie... j'attends la lecture du procès Eichmann avec impatience. Que cette publication lui ait valu tant d'ennuis de la part des bien-pensants, juifs ou non, me prévient en sa faveur.

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.