lundi 31 mai 2004

Hier vu Soleil de nuit, film à suspens assez conventionnel. Vu Soleil de nuit uniquement pour la minute où Kolia danse sur Vossotsky, uniquement pour cette minute-là. Vissotsky, cri de rage, respiration à poumons déchirés, hymne de tous les enfermés. Je crois que personne, à moins d'avoir les oreilles bouchées, ne peut entendre cette voix sans en être bouleversé.



Le jaro. J'aimerais en avoir un. depuis longtemps. c'est ce qu'il y a de plus facile je trouve pour faire venir toutes les images nécessaires, tout ce qui s'ébulle à la surface.

dimanche 30 mai 2004

Iago- l'envie, et donc une des formes les plus banales du péché contre l'amour : "pourquoi aimer ce Maure, alors que moi, qui suis tellement plus blanc, personne ne m'aime ?"

Othello- la mésestime de soi, et donc le plus grand péché contre l'amour : "pourquoi m'aimerait-elle, alors que je suis Maure, si ce n'est pas vice de sa part ?"

vendredi 21 mai 2004

et cette pluie
tu l'as rêvée sans doute tu l'as rêvée
et cette fuite
sur la voie d'or des caravanes voie des exilés des amants fugitifs
ni Layla ni Majnoun

La Voie lactée est pour nous Chemin de paille
nous nous ferons voleurs de foin
et nos traces se perdront dans la nuit coléreuse



vendredi 14 mai 2004

J'aime ce mot de Nietzsche quand il dit qu'il aura toujours contre lui les imbéciles - et les apparences.

Se faire mal voir des imbéciles est toujours ça, mais ce n'est pas grand-chose au fond. Mais les apparences ! Mettre toutes les apparences contre soi, quelle jouissance ! C'est le rire de Zarathoustra.

jeudi 13 mai 2004

En raison de son oeuvre poétique, on se représente souvent Omar Khayyam sous les traits d'un épicurien souriant, un brin alangui. Beïhaqî, qui l'a connu enfant, le décrit comme "un homme nerveux, de manières brusques et de mauvais caractère".

mercredi 12 mai 2004


The "old shittrack"
Kyoto, 1970.


"Entre dans la forme, sors de la forme, et trouve ta liberté" disait le boudhisme shan de la Chine des Tang et le bouddhisme zen japonais. Toute création, je dirais même, toute existence digne de ce nom doit passer par ces trois étapes obligées et, pour moi, la liberté intérieure est bien la seule conquête qui vaille qu'on risque sa peau dans le "monde troupeau". Cette entre prise, toujours oérilleuse, revêt des formes multiples, et des écrivains comme kafka, Katherine Mansfield, Henry Miller (parmi tant d'autres) n'ont pas attendu le bouddhisme pour s'y lancer à corps perdu, ou ont fait du zen sans le savoir, comme Monsieur Jourdain, de la prose. L'ascèse sourcilleuse des monastères japonais comme la dure règle de la Chartreuse ou de la Trappe ne sont pas faites pour tout le monde. N'ayant pratiqué ni l'une ni l'autre, je me garderai d'en parler ici, mais je les ai côtoyées assez pour connaître des cas où le remède était pire que le mal, où j'ai vu des caractères, même de bonne trempe, détruits par l'aridité ou l'exigence de ces disciplines. Religieux amers et défroqués, apprentis bouddhistes coincés "dans la forme" comme dans le canon d'un fusil, ne voulant pas jeter l'éponge, n'osant plus faire un pas, ni se retourner sur eux. Même si le bouddhisme zen est, à en croire H. Blyth qui sait vraiment de quoi il parle, "le plus grand trésor de l'Asie", il y a d'autres accès à la connaissance et d'autres "moyens libératoires". L'érotisme pour la philosophie tantrique, l'opium pour Thomas de Quincey, l'absinthe de Verlaine, la marche pour Rimbaud, la mer pour Conrad. A chacun de trouver son Sésame. Et aucune loi céleste n'oblige à choisir le plus ingrat."


mardi 11 mai 2004

Vu dans une supérette une horreur particulièrement déprimante : des barbapapas vendues en boite. Ayant perdu leur aspect enchanteur de nuages roses flottant au-dessus d'un bâton, on dirait un tas mou de marshmallow. C'est vouloir enfermer la fête foraine dans un bocal.

samedi 8 mai 2004

Naïveté à la fois bébête et fraiche du livret de La Flûte enchantée. Essai d'une autre mythologie, qui change des récits d'Ovide ou de l'Enéïde, une autre féérie. Fatigué de ces "idoles qui chient du marbre" (dixit Forman), on s'amuse à chinoiser, à persaniser, à franc-maçonniser, avant de retourner au culte froid de la déesse Raison. Après oui, viendra le Romantisme, mais ce n'est pas la même chose (même si c'est tout aussi concon). Finalement la source maçonnique dans l'art n'aura été qu'un feu de paille.

mardi 4 mai 2004

"Personne n'a l'air de savoir que la Sainteté est l'Octroi surnaturel qui sépare autant un homme des autres hommes que si sa nature était changée. (...) il n'y a pas de route pour aller du talent au génie et tous les torrents mugiraient à l'aise entre la vertu la plus gigantesque et une sainteté rudimentaire."

Léon Bloy, Sur Huysmans.

samedi 1 mai 2004

Tombée sous le charme de cette chanson, dans le Seigneur des Anneaux :

ENT.

When Spring unfolds the beechen leaf, and sap is in the bough;
When light is on the wild-wood stream, and wind is on the brow;
When stride is long, and breath is deep, and keen the mountain-air;
Come back to me ! Come back to me, and say my land is fair !

ENTWIFE.

When Spring is come to garth and field, and corn is in the blade;
When blossom like a shining snow is on the orchard laid;
When shower and Sun upon the Earth with fragrance fill the air,
I'll linger here, and will not come, because my land is fair.

ENT.

When Summer lies upon the world, and in a noon of gold
Beneath the roof of sleeping leaves the dreams of trees unfold;
When woodland halls are green and cool, and wind is in the West,
Come back to me ! Come back to me and say my land is best !

ENTWIFE.

When Summer warms the hanging fruit and burns the berry brown;
When straw is gold, and ear is white, and harvest comes to town;
When honey spills, and apple swells, though wind be in the West,
I'll linger here beneath the Sun, because my land is best !

ENT.

When Winter comes, the winter wild that hill and wood shall slay;
When trees shall fall and starless night devour the sunless day;
When wind is in the deadly East, then in the bitter rain
I'll look for thee, and call to thee; I'll come to thee again !

ENTWIFE.

When Winter comes, and singing ends; when darkness falls at last;
When broken is the barren bough, and light and labour past;
I'll look for thee, and wait for thee, until we meet again :
Together we will take the road beneath the bitter rain !

BOTH.

Together we will take the road that leads into the West,
And far away will find a land where both our hearts may rest."

The Lord of the Ring, the two towers, Tolkien.



Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.