mardi 29 avril 2003

L'accord parfait entre la sonate n°1 opus 109 de Fauré et une belle matinée qui annonce l'été.

Hier, sacrée tempête, merveilleux ! Un déluge de pluie sur les arbres si verts, en floraison, blancs, mauve... de sacrées secousses...

« le renard n’est pas un vrai méchant, c’est un faux méchant qui ressemble au loup. Le renard peut avoir accès aux animaux de la forêt et aux animaux domestiques : il passe partout. Et il joue des tours à tout le monde, il se moque du statut, de la position des autres animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques, il sème la pagaille. On fait un grand procès au renard – au sollers
– qui est finalement acquitté. »


soleil ombre verte
ma rancune te sourit
mai du renard fou

jeudi 24 avril 2003

Maurice G. Dantec parle de lui comme d'un "chrétien hérétique" si on lui demande sa religion. Je pourrais répondre la même chose, je crois bien. Hérétique, ghulat, paganiste, chamaniste, islamophile, superstitieuse et comme Rama Krishna : "Dieu est mon camarade de jeu, il n'y a ni rime ni raison dans l'Univers". Et oui, quand je suis devant une divinité grecque, je lui touche le menton et les genoux.

mardi 22 avril 2003

Souple et fluide
Comme le voyageur du Yi King
j'avance dans les eaux de nos devenir

Mais de toi et de moi
je ne sais qui est l'écueil
et qui est l'esquif

samedi 19 avril 2003

jeudi 17 avril 2003

La densité du chiisme... sa poésie si frappante, son symbolisme remuant. Excellent exposé de François Thual, sur "Tout arrive". Et à écouter ces histoires d'imam caché, d'eschatologie, les deux journalistes, saisis, passionnés, comme à l'écoute d'un conte essentiel.

lundi 14 avril 2003

espoir folâtre - pas raisonnable pour un sou
j'attends le cadeau de la vie
parce que c'est un printemps injustifié
"C'est un de ces combats confus qui font la joie des carnassiers et accroissent le royaume de Yama des plus grands parmi ceux qui n'avaient pas peur. La terre est jonchée de toutes sortes de cadavres, guerriers, chevaux, éléphants, certains écrasés par les roues des chars ou piétinés par les animaux, tout cela pour la plus grande joie des bêtes de proie et des raksas. Devant une aussi terrible destruction de population, les survivants en colère errent à l'improviste pour se tuer les uns les autres. Les deux armées s'étant ainsi massacrées l'une l'autre se regardent, plongées dans un bain de sang. Là-dessus, le soleil approche de la montagne du couchant et lentement les deux armées rentrent dans leurs camps respectifs."

Mah. VII, 32.

samedi 12 avril 2003

Adoration de la femme

"Quand l'un de ces sauvages du salon munichois ou de ces pompiéristes fraîchement arrivés subit son raptus érotique, il compose une Adoration de la femme. On voit alors un nu féminin, serveuse, vendeuse ou quelque chose de ce genre, et devant elle, à genoux, et nu lui aussi, monsieur l'artiste-peintre. Cependant, on peut voir à la Pinacothèque de Munich le meilleur tableau érotique, l'épouse de Rubens, en bonnet de velours à plumes, gantée, avec un collier de perles - plus belles que des perles authentiques. Portrait de femme intensifié. Et dire qu'il se trouvera toujours quelqu'un pour se régaler de semblables croûtes !"

Paul Klee, Journal.

jeudi 10 avril 2003

dés rouges et noirs
points jaunes piquetés
dés de Yudishtira
je joue mon dharma

mercredi 9 avril 2003

"Il part à l'aube, à l'heure favorable, au moment où la chaleur du jour est douce et dans un mois propice de la fin de l'automne aux moissons abondantes, ses rites accomplis, après avoir salué les brâhmanes. Il demande à Satyaki de préparer son char et d'y faire placer ses armes, la conque, le disque, la massue, les carquois, les traits et toutes sortes d'armes, car il ne faut pas, même si l'on est fort, mépriser un ennemi plus faible. Son char a l'éclat du feu de la dissolution universelle et sa rapidité aussi."

Mah. V, 72-150.

mardi 8 avril 2003

Souvent, l'homme traqué, à l'ultime bout de sa course, même ignoble, même à peine humain, réussit à m'inspirer une sorte de pitié, ou bien seulement une absence de haine. Mais celui-là qu'ils coursent dans Bagdad, non, je n'y arrive pas, je n'endigue pas cette férocité jubilatoire. Qu'il sache ce qu'est courir et avoir peur. Celui-là, non, je ne peux pas. Le tuer ? Même pas. Il faudrait qu'il coure éternellement et éternellement ait peur.

samedi 5 avril 2003

Tout à l'heure, rue de Vaugirard, deux motards en trombe qui faisaient se ranger les voitures, derrière un engin rouge à sirène mais comme je n'en avais jamais vu, de forme assez basse, carrée. C'étaient surtout les deux à l'avant qui détonnaient : tout enveloppés dans des combinaisons isolantes, de vrais cosmonautes. Sur le coup, sans réaliser, je me suis dit "tiens ils ont peur des armes irakiennes, quand même, c'est loin..." Au fond de la camionnette, une femme et un bébé, les deux avec des masques sur le nez. Je me suis dit alors que ça devait être la pneumopathie. Sûrement. Si c'est le cas, on peut dire que ce samedi la peste est entrée dans Paris et les Américains dans Bagdad...

vendredi 4 avril 2003

Ruzbehan de Chiraz est resté sept ans sur la Montagne, en épiphanie, et puis est descendu et a enseigné, comme Zarathoustra.
Expo Magritte. C'est la première expo où au lieu de prendre ou non un livre ou un catalogue je repars avec deux tee-shirts. C'est que Magritte est un très bon designer pour les produits dérivés. "Ceci n'est pas une pipe", "Ceci n'est pas une pomme" ça fait très bien sur un vêtement, une tasse, un carnet. Sur un tableau, bof... Sa palette est assez plate, c'est pour ça qu'il rend très bien en poster et dans les livres. Les assez mauvais peintres gagnent à être imprimés, les autres non. Le dessin est mou aussi, rien à voir avec Dali. Peu de mystère, d'ailleurs. Il y a cent fois plus d'angoisse dans le douanier Rousseau.

Mais je suis très contente de mes deux tee-shirts, ils sont très chouettes.

jeudi 3 avril 2003

Grève et deux billets pour l'expo Staël qui risque de me rester sur les bras. A moins que je n'ai le courage d'y aller à pied, mais rien n'est certain

mercredi 2 avril 2003

Reçu des photos de la guerre, de celles que diffusent les chaînes arabes. Quelques clichés classiques, celles des soldats iraqi morts dans leurs tranchées un drapeau blanc à la main, un gosse sur un lit d'hôpital, d'autres plus crus : ce qu'il reste du crâne d'un enfant, cuir chevelu en lambeaux, boite cranienne ouverte comme une coquille fracassée; le cadavre d'une fillette aux pieds arrachés portée par un vieil homme, un amas de poussière et de chiffons complètement aplatis où est incrustée une tête d'homme.

Est-ce que montrer est nécessaire ? On dit : il faut voir l'horreur pour la combattre. Mais ces images sont terribles parce que peu habituelles. Si elles étaient vues quotidiennement, combien de temps faudrait-il à nos yeux pour qu'ils ne les voient plus ? Je ne crois pas que la vue de la guerre rende les peuples pacifique, pas plus que les exécutions publiques inclinaient les esprits vers l'abolitionnisme.

La guerre et le dépeçage ravale le corps humain au rang d'objet sans signification, grotesque, quelque chose qui attire l'horreur et est en même temps dégradant. Semble dégradé de la dignité humaine le corps qui n'a plus figure humaine. Mais ces photos circulent avec une injonction péremptoire, celle de regarder, de regarder ce qu'ils font, ce qu'est la guerre, ce que l'on ne montre pas en Occident et ses écrans aseptisés. Cette circulation a certes pour intention de frapper d'horreur et d'inciter les gens à haïr la guerre. Mais n'est-ce pas aussi une atteinte à la dignité de ces corps de montrer aux regards ce qu'ils sont devenus ? Aurait-on soi-même la force de montrer au monde ce qu'est devenu un corps bien-aimé ? N'est-ce pas le geste le plus primaire et le plus naturel et le plus humain de couvrir le cadavre ?

mardi 1 avril 2003


"Il y a des gens qui construisent une décision comme s'il s'agissait d'une maison, progressivement et en projetant les moindres détails. Il y a ceux qui,au contraire, prennent leurs décisons au pied levé, en se fiant à leurs qualités innées et à la solidité de leurs expériences précédentes. Par conséquent, toutes les nuances sont possibles d'un extrême à l'autre, y compris les combinaisons infinies entre ces nuances. Cane mêlait ces deux attitudes extrêmes de façon tout à fait personnelle, et ne se considérait comme détenteur d'aucune méthode. Il réfléchissait sur des détails, et pas sur 'lensemble. Lui aussi construisait sa maison stratégique, mais en travaillant épisodiquement et sans projet. Durant ces jours particuliers, dont il se souviendrait longtemps avec une immense stupeur, sa décision se mêla à d'autres décisions, plus importantes pour lui. Tout de suite après l'entretien avec Corsini, il s'aperçut que ses sentiments pour Elle avaient mûri. Il ne pouvait plus considérer cela comme un caprice ou une invention de son esprit. Leur relation était devenue aussi concrète qu'un objet. Elle l'avait appelé, Elle l'attendait. Désormais ils s'appartenaient l'un l'autre. C'est pour cela qu'il avait réussi à supporter avec tant de patience les ennuyeuses confessions du vieux ; il avait enfin une compagne qui rendait sa vie plus douce."



"Retiens les mots qui butent d'eux-mêmes, ne les laisse pas sortir."

"Ne pas envoyer une lettre, c'est reconnaître que personne ne pourrait la recevoir, et pourtant ce sont les seules lettres dont l'envoi aurait un sens."


Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.