dimanche 30 décembre 2012

Gottlob ! nun geht das Jahr zu Ende






Reçu Routes et Déroutes de Nicolas Bouvier et le dvd de la Passion de Jean par Harnoncourt. Les deux me font très plaisir.







Ces jours, les derniers de l'année, au clair-obscur si particulier.


Commencé Pourquoi donc être chrétien ? de Timothy Radcliffe. Sympathique mais pas très convaincant, pour le moment, en ce que le christianisme prêcherait quelque chose de si radicalement différent par rapport aux courants moraux et religieux du monde qui, finalement, disent à peu près tous la même chose. Seule la pratique varie. 

 J'ai plus d'enthousiasme à la lecture de Bouvier qui, lui, est vraiment un maître de sagesse.

jeudi 27 décembre 2012

L'érotomane angélique



La Confiance : Quand la terre physique, matérielle mais aussi psychique s'effondre ou se lézarde, il y a aussi un sol dessous le sol. Ce soubassement c'est la Confiance. 
Confiance dans une réouverture des portes, dans un retour du ciel et de l'air. 
Ces gens à qui on vient d'arracher le cœur. Le fond même fracassé de la vie délivre une étrange douceur. Parfois. Les paquets de nuit comme des paquets de ténèbres ou d'eau glacés.
Mais : 
Cette chose qui arrive n'est pas dans la mémoire mais dans l'expérience. Le corps la porte tout le temps.
Victime très heureuse d'une sorte d'érotomanie angélique : À certains moments, dans le Présent, les portes se rouvrent à nouveau.
Toujours en lutte entre Confiance et Mélancolie qui est la pomme rouge du conte, tendue par la sorcière : douceur très persuasive et dangereuse, amenée par le Monde, le Noir. Il est possible qu'elle ait une très bonne saveur, il ne faut pas la croquer. Sans doute, dans un premier temps. 
Je suis en bataille, en permanence, mais mes alliés sont innombrables.
Dans l'enfance, tout se préparait : j'ai accumulé du temps creux, du temps vide. Regarder les passants, derrière une vitre, accepter qu'il ne se passe rien, l'expérience de fond. Attendre sans attendre. Une attente creuse, non aveuglée par des espérances, presque un état d'enfant abandonné. 
Un assassin blanc comme neige, Christian Bobin.

(Péguy à Alain-Fournier :

"Mon petit, oui, il faut être plus que patient, il faut être abandonné.")

Le Christ, c'est un drôle de gars. Jésus : un nomadisme de l'âme.

Notes prises à l'écoute des Racines du Ciel, avec Christian Bobin.

Épistolier


Je suis très épistolier, raison pour laquelle je ne crains pas les séparations prolongées.

Routes et déroutes, Nicolas Bouvier.

vendredi 21 décembre 2012

Faal


De la branche du droit cyprès le Rossignol patient, à nouveau jeta ce cri : "Loin du visage de la Rose le mauvais œil !" 
Rose, puisque Tu es reine en beauté, sois reconnaissante : ne sois pas hautaine avec les Rossignols perdus d'amour fou. 
De Ton Absence je ne me plaindrais pas : tant que manquera l'Absence, il n'y aura saveur de présence. 
Si les autres jouissent heureux d'une belle vie de gaieté, pour nous, le chagrin pour le Bien-Aimé est ferment de joie. 
Si l'ascète espère rejoindre houris et châteaux paradisiaques, pour nous, la Taverne est palais, le Compagnon houri. 
Bois au son de la harpe, ne te chagrine pas, et si quelqu'un te dit de ne pas boire de vin, réponds : "Dieu est celui qui pardonne !" 
Hâfez, qu'as-tu à te plaindre du chagrin de la Séparation ? Dans l'éloignement est l'union, dans la ténèbre la lumière !

mardi 18 décembre 2012

Le vicaire amoureux


Le temps des ordinations étant venu, M. Gâtier s’en retourna diacre dans sa province. Il emporta mes regrets, mon attachement, ma reconnaissance. Je fis pour lui des vœux qui n’ont pas été plus exaucés que ceux que j’ai faits pour moi-même. Quelques années après j’appris qu’étant vicaire dans une paroisse, il avait fait un enfant à une fille, la seule dont, avec un cœur très tendre, il eût jamais été amoureux. Ce fut un scandale effroyable dans un diocèse administré très sévèrement. Les prêtres, en bonne règle, ne doivent faire des enfants qu’à des femmes mariées. Pour avoir manqué à cette règle, il fut mis en prison, diffamé, chassé.


Les Confessions, Rousseau.

vendredi 7 décembre 2012

Fantômes


Frans Hals,
v. 1625,
 huile sur toile,
 musée d'art oriental et d'Europe occidental,
Odessa


Je revenais par ces chemins d’où l’on aperçoit la mer, et où autrefois, avant qu’elle apparût entre les branches, je fermais les yeux pour bien penser que ce que j’allais voir, c’était bien la plaintive aïeule de la terre, poursuivant, comme au temps qu’il n’existait pas encore d’êtres vivants, sa démente et immémoriale agitation. Maintenant, ils n’étaient plus pour moi que le moyen d’aller rejoindre Albertine, quand je les reconnaissais tout pareils, sachant jusqu’où ils allaient filer droit, où ils tourneraient ; je me rappelais que je les avais suivis en pensant à Mlle de Stermaria, et aussi que la même hâte de retrouver Albertine, je l’avais eue à Paris en descendant les rues par où passait Mme de Guermantes ; ils prenaient pour moi la monotonie profonde, la signification morale d’une sorte de ligne que suivait mon caractère. C’était naturel, et ce n’était pourtant pas indifférent ; ils me rappelaient que mon sort était de ne poursuivre que des fantômes, des êtres dont la réalité, pour une bonne part, était dans mon imagination ; il y a des êtres en effet — et ç’avait été, dès la jeunesse, mon cas — pour qui tout ce qui a une valeur fixe, constatable par d’autres, la fortune, le succès, les hautes situations, ne comptent pas ; ce qu’il leur faut, ce sont des fantômes. Ils y sacrifient tout le reste, mettent tout en œuvre, font tout servir à rencontrer tel fantôme. Mais celui-ci ne tarde pas à s’évanouir ; alors on court après tel autre, quitte à revenir ensuite au premier. Ce n’était pas la première fois que je recherchais Albertine, la jeune fille vue la première année devant la mer. D’autres femmes, il est vrai, avaient été intercalées entre Albertine aimée la première fois et celle que je ne quittais guère en ce moment ; d’autres femmes, notamment la duchesse de Guermantes. Mais, dira-t-on, pourquoi se donner tant de soucis au sujet de Gilberte, prendre tant de peine pour Mme de Guermantes, si, devenu l’ami de celle-ci, c’est à seule fin de n’y plus penser, mais seulement à Albertine ? Swann, avant sa mort, aurait pu répondre, lui qui avait été amateur de fantômes. De fantômes poursuivis, oubliés, recherchés à nouveau, quelquefois pour une seule entrevue, et afin de toucher à une vie irréelle laquelle aussitôt s’enfuyait, ces chemins de Balbec étaient pleins. En pensant que leurs arbres, poiriers, pommiers, tamaris, me survivraient, il me semblait recevoir d’eux le conseil de me mettre enfin au travail pendant que n’avait pas encore sonné l’heure du repos éternel.

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.