En général, les Ismaéliens ne rigolent pas avec le jugement dernier. Grosse insistance sur le peuple du mensonge, du "semblant" (cad tous ceux qui ne sont pas servants de l'Imam et du Réel) : "Quiconque ne passe pas du monde du semblant au monde de la distinction, et n'aspire pas à quitter les indications de la révélation littérale pour les significations de l'exégèse ésotérique et n'y parvient pas, est un habitant de l'enfer. Quiconque passe du monde du semblant au monde de la distinction et aspire à quitter les indications de la révélation littérale pour les significations de l'exégèse ésotérique et y parvient, est un habitant du paradis. Aussi la liberté à l'état pur, soit que tout ce qu'il faut advienne, est le paradis véritable, tandis que l'opression à l'état pur, soit que tout ce qu'il ne faut pas advienne, est l'enfer véritable."
Une fois que les catégories ont été définies, ceux qui iront en enfer et ceux qui n'iront pas, il nous fait une description assez saisissante de cet enfer, après avoir écarté avec mépris l'image du paradis et de l'enfer dans "ses représentations ordinaires" comme étant des fables, en tout cas des symboles charitablement conçus pour être comprises du vulgaire et des esprits simples : "Allez au rythme des plus faibles d'entre vous".
Non, l'enfer est, comme le mal, la négativité, le manque, l'absence.
"La jouissance de l'âme provient de la perception des intelligibles, lorsqu'elle s'attache à penser le Réel, à parler juste et à agir bien. La jouissance du corps provient de la perception des réalités sensibles, lorsqu'il s'attache à toucher, à goûter, à sentir, à entendre et à voir. Lorsque l'âme se sépare du corps, si l'âme a désiré, de toutes les façons, acquérir les avantages qu'offrent les intelligibles et si l'obscurité des sens n'a pas voilé la lumière de sa liberté, elle demeurera éternellement en une jouissance sans douleur, une joie sans chagrin, une vie immortelle. Elle aura tout ce qu'il lui faut. Mais si elle a désiré ardemment obtenir la jouissance des réalités sensibles de toutes les façons, comme si ses sens étaient les instruments de ses plaisirs sensibles et qu'ils l'ont abandonnée, rien n'empêche qu'elle ne demeure dans la ténèbre de l'iamgination corrompue et de l'imaginaire mensonger. Elle aura tout ce qu'il ne lui faut pas.
Elle ressemble à cet homme à demi tué, les deux yeux arrachés, le nez, la langue, les mains et les pieds coupés, les membres tranchés ; ni vivant ni tout à fait mort, il gît. L'imagination des jouissances qu'il ne pourra plus obtenir par l'entremise des organes corporels le submerge et prend possession de lui. Un désespoir éternel l'envahit, parce que plus jamais il ne possédera cette vie corporelle et ces choses sensibles qu'il imagine. Il ne lui reste qu'un immense chagrin et un regret sans borne qui lui viennent de son état."
"Le paradis et l'enfer véritables", XV, 3, La convocation d'Alamût: Somme de philosophie ismaélienne = Rawdat al-taslim (Le jardin de la vraie foi).