dimanche 28 novembre 2004
vendredi 26 novembre 2004
J'aime beaucoup les entretiens de Lucien Jerphagnon (et par le même coup j'entend reparler ici et là de Jankélévitch). J'en cite un passage savoureux, mais il faut tout écouter, tant que c'est en ligne.
"- Ceux qui disent, « circulez, il n’y a rien à croire, vous ne les aimez pas beaucoup ?
- Je ne les aime pas beaucoup, non parce que… voilà ils m’agacent un peu parce qu’ils ne se laissent jamais non pas convaincre, j’ai jamais convaincu personne ni jamais surtout eu envie de convaincre quiconque, mais ils ne se laissent pas, comment dirais-je, raconter un peu pourquoi des gens ont pu croire à quelque chose. Ils estiment dès le départ que croire à quelque chose, c’est prouver qu’on est un crétin. Or, pas du tout… On peut rester un crétin en croyant à quelque chose, on peut être tout aussi crétin en ne croyant à rien. Or les gens se figurent toujours que c’est beaucoup mieux de ne croire à rien, ça libère … pas du tout, parce qu’immanquablement, ils transposent. Le besoin d’espérance que nous avons tous en nous, ils le transposent sur un autre idéal, un idéal à la hauteur des pâquerettes, … on a cru à des tas de choses, s’il fallait que je fasse la liste des mythes auxquels on croit aujourd’hui… - A commencer par la nécessité de ne croire en rien ? – Par exemple ! qui est un des beaux mythes, ça c’est un mythe redoublé, il faut ne croire en rien, parce qu’il paraît qu’on en est mieux, qu’on se porte mieux. Je ne trouve pas. J’ai été tenté, à un moment, de désespoir, par l’athéisme, de désespoir métaphysique un peu, et puis je me suis aperçu que ça ne menait à rien, et je ne vois pas pourquoi… tant et si bien que j’ai gardé ce qu’on peut appeler une foi, mais une foi qui n’est pas assujettie à des dogmes. Bergson disait quelque part à propos du comique, que le comique c’est ce qu’on obtient quand on plaque du mécanique sur du vivant. – Oui et vous riez vous-même de ceux qui plaquent la raison sur le mythe ? – Voilà, exactement ! On plaque de la raison sur du mystère, alors on obtient un petit monstre logiquement conçu, qui est un dogme…"
"- Ceux qui disent, « circulez, il n’y a rien à croire, vous ne les aimez pas beaucoup ?
- Je ne les aime pas beaucoup, non parce que… voilà ils m’agacent un peu parce qu’ils ne se laissent jamais non pas convaincre, j’ai jamais convaincu personne ni jamais surtout eu envie de convaincre quiconque, mais ils ne se laissent pas, comment dirais-je, raconter un peu pourquoi des gens ont pu croire à quelque chose. Ils estiment dès le départ que croire à quelque chose, c’est prouver qu’on est un crétin. Or, pas du tout… On peut rester un crétin en croyant à quelque chose, on peut être tout aussi crétin en ne croyant à rien. Or les gens se figurent toujours que c’est beaucoup mieux de ne croire à rien, ça libère … pas du tout, parce qu’immanquablement, ils transposent. Le besoin d’espérance que nous avons tous en nous, ils le transposent sur un autre idéal, un idéal à la hauteur des pâquerettes, … on a cru à des tas de choses, s’il fallait que je fasse la liste des mythes auxquels on croit aujourd’hui… - A commencer par la nécessité de ne croire en rien ? – Par exemple ! qui est un des beaux mythes, ça c’est un mythe redoublé, il faut ne croire en rien, parce qu’il paraît qu’on en est mieux, qu’on se porte mieux. Je ne trouve pas. J’ai été tenté, à un moment, de désespoir, par l’athéisme, de désespoir métaphysique un peu, et puis je me suis aperçu que ça ne menait à rien, et je ne vois pas pourquoi… tant et si bien que j’ai gardé ce qu’on peut appeler une foi, mais une foi qui n’est pas assujettie à des dogmes. Bergson disait quelque part à propos du comique, que le comique c’est ce qu’on obtient quand on plaque du mécanique sur du vivant. – Oui et vous riez vous-même de ceux qui plaquent la raison sur le mythe ? – Voilà, exactement ! On plaque de la raison sur du mystère, alors on obtient un petit monstre logiquement conçu, qui est un dogme…"
C'est vrai qu'on entend de nos jours plus souvent de stupides platitudes dans la bouche des athées que dans celle des croyants. Au moins les croyants ont appris à se défendre, depuis le temps 1/ qu'ils s'étripent entre eux 2/ qu'on bat la religion en brèche. Etant sommés de trouver des arguments qui tiennent la route pour au moins expliquer excuser leur naïveté de gogos, les "espérants" doivent un peu aiguiser leur esprit chaque jour face au gnangnantisme incrédule qui a succédé à la religiosité sur le podium du conformisme. Par contre les athées ne font guère de progrès dans l'argutie... par moment, difficile de ne pas se tenir les côtes, tant toutes les répliques sont prévisibles dans leur niaiserie, et naturellement, tout finit en engueulades d'autant plus violentes qu'elles n'ont guère de substance, psychodrames dans une cour de récré... là-dessus, je préfère Ivan Karamazov, son "si un tel Dieu existe, je lui rend mon billet" a plus de gueule. Non, snif, il n'y a plus de bons débats théologiques.
mercredi 24 novembre 2004
Là je tombe des nues (gris bleuté, un peu de bleu sombre). Je ne savais pas que c'était une anomalie (gris, noir, anthracite. Je pensais que tout le monde était comme ça (noir et rouge sombre). Non ? (2 N en noir, le o en bleu électrique).
"Il y a, chez Epictète, un propos sublime qu'on peut paraphraser ainsi : le tyran s'amusait à déguiser ses courtisans en histrions pour leur faire jouer la comédie ; l'un de ceux-ci ayant demandé au sage : "Vaut-il mieux monter sur la scène ou mourir ?" le sage répondit : "Monter. - Comment, monter ? - Monter. Tu demandes si la mort est préférable à l'esclavage... je réponds : l'esclavage ; le supplice au plaisir... je réponds : le plaisir. - Mais toi ? - Moi je ne me pose pas la question.
lundi 22 novembre 2004
"Après la séance, nous rentrions chez lui à pied et Borges, qui aimait à se souvenir, décrivait la ville telle qu'elle était du temps où il voyait, et il évoquait des histoires de voyous dans des bars ténébreux à des coins de rue dangereux où s'élevaient à présent, invisibles à ses yeux, les tours de verre de l'hôtel Sheraton ou du dernier décorateur en vogue. Quand je lui dis qu'un puits se dressait désormais au milieu de la très touristique plaza San Telmo, dans l'ancienne partie coloniale de la ville, il ne me crut pas. "Il ne peut pas y avoir un puits sur une place publique ; les puits se trouvent dans les patios privés, dans les maisons, non ?" J'imaginais un documentaire (je l'ai suggéré à Ric Young, qui réalisait alors des films au Canada) dans lequel la caméra enregistrerait le présent tandis que la voix de Borges raconterait le passé, emmenant le spectateur au long des rues qu'ils avaient parcourues, deux décennies auparavant, en compagnie d'Estela Canto. Mais, hélas, aucune station de télévision canadienne ne se montra sensible à l'intérêt d'un tel voyage."
mardi 16 novembre 2004
Encore un passage que je me prends dans les gencives, moi qui sais si peu pardonner parce que je n'ai jamais su bien haïr :
"- La clémence, qui n'implique aucun élément déterminé, n'est pas davantage un vrai rapport avec l'ipséité de l'autre. En somme : presque rien à pardonner et presque personne non plus à qui pardonner ! Le magnanime est bien trop grand pour voir du haut de son altitude les moucherons et pucerons qui le harcèlent : aussi la mégalopsychie tourne-t-elle facilement au dédain. L'offenseur n'est pas seulement négligé : pour mieux dire, il est quasi-inexistant ; et la clémence, à son tour, n'est pas seulement condescendante, elle est bien plutôt "intransitive" ; elle est littéralement solitaire en sa magnanimité. La clémence est un pardon sans interlocuteur : aussi le clément ne prononce-t-il pas la parole du pardon pour un vrai partenaire en chair et en os. Ce tête-à-tête est une solitude, ce dialogue un soliloque, cette relation un solipsisme. C'est donc peu de dire que l'homme clément n'a jamais souffert du fait de son insulteur, qu'il n'a jamais eu le temps de lui en vouloir, qu'il ne lui reproche rien ni ne lui fait l'honneur d'éprouver à son endroit la moindre rancune, fût-ce une rancune naissante aussitôt réprimée par le pardon... En vérité, il n'a même pas un regard pour celui qu'il absout ! Il ne s'aperçoit même pas de l'existence du puceron ! Qu'elle soit magnanimité ou magnificence, mégalopsychia ou mégaloprépéïa, la clémence exclut tout rapport vraiment transitif et intentionnel avec son prochain. La clémence n'est pas plus le pardon que la générosité n'est amour..."
Le Pardon. Vladimir Jankélévitch.
"- La clémence, qui n'implique aucun élément déterminé, n'est pas davantage un vrai rapport avec l'ipséité de l'autre. En somme : presque rien à pardonner et presque personne non plus à qui pardonner ! Le magnanime est bien trop grand pour voir du haut de son altitude les moucherons et pucerons qui le harcèlent : aussi la mégalopsychie tourne-t-elle facilement au dédain. L'offenseur n'est pas seulement négligé : pour mieux dire, il est quasi-inexistant ; et la clémence, à son tour, n'est pas seulement condescendante, elle est bien plutôt "intransitive" ; elle est littéralement solitaire en sa magnanimité. La clémence est un pardon sans interlocuteur : aussi le clément ne prononce-t-il pas la parole du pardon pour un vrai partenaire en chair et en os. Ce tête-à-tête est une solitude, ce dialogue un soliloque, cette relation un solipsisme. C'est donc peu de dire que l'homme clément n'a jamais souffert du fait de son insulteur, qu'il n'a jamais eu le temps de lui en vouloir, qu'il ne lui reproche rien ni ne lui fait l'honneur d'éprouver à son endroit la moindre rancune, fût-ce une rancune naissante aussitôt réprimée par le pardon... En vérité, il n'a même pas un regard pour celui qu'il absout ! Il ne s'aperçoit même pas de l'existence du puceron ! Qu'elle soit magnanimité ou magnificence, mégalopsychia ou mégaloprépéïa, la clémence exclut tout rapport vraiment transitif et intentionnel avec son prochain. La clémence n'est pas plus le pardon que la générosité n'est amour..."
Le Pardon. Vladimir Jankélévitch.
"la guerre est un mystère divin, et le sang qu'elle fait couler étanche sur la terre l'iniquité des hommes. La rougeur même du sang qu'une lame fait apparaître en transperçant les chairs, cette rougeur n'est-elle pas comme la révélation d'une vérité crue, pudiquement dissimulée par la bonne santé et par les douceurs d'une civilisation pacifique ?"
Vladimir Jankélévitch, Le pur et l'impur.
(en pensant à l'angoisse, ce mot de Jules Laforgues : "Mon corps - hélas ! a bien mal à son âme.")
Vladimir Jankélévitch, Le pur et l'impur.
(en pensant à l'angoisse, ce mot de Jules Laforgues : "Mon corps - hélas ! a bien mal à son âme.")
jeudi 11 novembre 2004
mardi 9 novembre 2004
"La fidélité à soi est une belle chose ; mais il y a une vertu qui est peut-être plus rare encore : c'est le consentement à évoluer, le courage de se dédire, enfin cette espèce d'humilité dont les renégats sincères ont tant besoin pour briser en eux l'entraînement des décisions irrévocables. Mieux encore : la fidélité profonde consiste, non point du tout dans une cohérence imperturbable, mais au contraire dans ces hérésies et apostasies d'une âme courageuse qui ne craint pas de se renier elle-même et de tourner casaque. Hermann Cohen parle quelque part d'une fidélité qui est évolution et diversité. Si la fidélité grammatique demeure attachée à la lettre, dût la sincérité en souffrir, la fidélité pneumatique préfère, fût-ce au prix d'une rétractation, perpétuer l'esprit constituant qui posa le premier acte de la fidélité thétique. Celle-là devient infidèle à force de fidélité, celle-ci ne craint pas d'être infidèle par amour de la fidélité. Abjurer n'est pas toujours se parjurer."
Vladimir Jankélévitch. La Mauvaise Conscience.
Vladimir Jankélévitch. La Mauvaise Conscience.
lundi 8 novembre 2004
"En dehors de Boris Godounov et de Macbeth, tout le monde, en général, a bonne conscience."
"Jésus meurt une seule fois pour tous les hommes ; mais Dionysos n'en a jamais fini de se dévouer"
"Se repentir, c'est toujours "poser" un peu : la mauvaise conscience consolée, la mauvaise conscience devenue complaisance savoure maintenant son désespoir comme un spectacle ; la mauvaise conscience fait la belle devant le miroir. Lorsque la mauvaise conscience est capable de se chuchoter un reproche, c'est qu'elle n'a déjà plus si honte d'elle-même ; déjà elle se supporte puisqu'elle se regarde, puisqu'elle s'objecte sa faute, comme à un autre moi qui n'est plus tout à fait elle-même."
Vladimir Kankélévitch, La Mauvaise Conscience.
"Jésus meurt une seule fois pour tous les hommes ; mais Dionysos n'en a jamais fini de se dévouer"
"Se repentir, c'est toujours "poser" un peu : la mauvaise conscience consolée, la mauvaise conscience devenue complaisance savoure maintenant son désespoir comme un spectacle ; la mauvaise conscience fait la belle devant le miroir. Lorsque la mauvaise conscience est capable de se chuchoter un reproche, c'est qu'elle n'a déjà plus si honte d'elle-même ; déjà elle se supporte puisqu'elle se regarde, puisqu'elle s'objecte sa faute, comme à un autre moi qui n'est plus tout à fait elle-même."
Vladimir Kankélévitch, La Mauvaise Conscience.
samedi 6 novembre 2004
"Entre la pure loi morale et le "plus grand bonheur possible du plus grand nombre d'hommes possible", la différence paraît indiscernable. Cet égoïsme à très longue portée, et, sinon inspiré par la bonne volonté du devoir, du moins, au sens kantien "conforme" à cette bonne volonté, est une imitation presque parfaite de la vertu ; il lui ressemble comme une poupée à un être vivant ; il n'y manque que l'essentiel ! il manque l'amour qui est l'âme de l'inspiration vertueuse : à cela près, toutes les apparences y sont. L'idée d'intérêt, en passant par l'arithmétique, a perdu complètement sa nuance affective et cette espèce de sensualité, cette chaleur enveloppante, cette intimité qui sont encore au fond du bonheur le plus indirect et le plus prosaïque, - car on peut toute sa vie ne faire que des choses utiles et n'être jamais heureux. Nous voilà donc devenus ascètes par utilité. Qui eût rêvé harmonie plus miraculeuse entre mon avantage et mon devoir ? L'intérêt, c'est vraiment l'ascétisme devenu attrayant, la sainteté mise à la portée de tous ; nous sommes intéressés au sacrifice, et la morale apparaît, en somme, comme une heureuse affaire."
La Mauvaise Conscience, Vladimir Jankélévitch.
La Mauvaise Conscience, Vladimir Jankélévitch.
lundi 1 novembre 2004
Sur la page 1 de L'Effacement progressif des consignes de sécurité,de Ravalec, en collection J'ai Lu, on peut lire ce poème :
Vous qui dans l'âme des morts buvez
le sang de vos conquêtes
le prix de nos défaites
et qui depuis l'autre rive
si légèrement riez
sachez qu'il vous incombe
pour nous, pour les vivants
de mettre à point d'honneur
à venir nous chercher.
le sang de vos conquêtes
le prix de nos défaites
et qui depuis l'autre rive
si légèrement riez
sachez qu'il vous incombe
pour nous, pour les vivants
de mettre à point d'honneur
à venir nous chercher.
Et alors ? Eh bien, en signature c'est écrit : Anonyme, poème ottoman, V° siècle après Jésus-Christ.
Tant de crétinerie, par moment, c'est pas possible. Un coup à fiche le livre au vide-ordures, sans même le lire.
Tant de crétinerie, par moment, c'est pas possible. Un coup à fiche le livre au vide-ordures, sans même le lire.
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