lundi 22 novembre 2004


"Après la séance, nous rentrions chez lui à pied et Borges, qui aimait à se souvenir, décrivait la ville telle qu'elle était du temps où il voyait, et il évoquait des histoires de voyous dans des bars ténébreux à des coins de rue dangereux où s'élevaient à présent, invisibles à ses yeux, les tours de verre de l'hôtel Sheraton ou du dernier décorateur en vogue. Quand je lui dis qu'un puits se dressait désormais au milieu de la très touristique plaza San Telmo, dans l'ancienne partie coloniale de la ville, il ne me crut pas. "Il ne peut pas y avoir un puits sur une place publique ; les puits se trouvent dans les patios privés, dans les maisons, non ?" J'imaginais un documentaire (je l'ai suggéré à Ric Young, qui réalisait alors des films au Canada) dans lequel la caméra enregistrerait le présent tandis que la voix de Borges raconterait le passé, emmenant le spectateur au long des rues qu'ils avaient parcourues, deux décennies auparavant, en compagnie d'Estela Canto. Mais, hélas, aucune station de télévision canadienne ne se montra sensible à l'intérêt d'un tel voyage."


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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.