"Entre la pure loi morale et le "plus grand bonheur possible du plus grand nombre d'hommes possible", la différence paraît indiscernable. Cet égoïsme à très longue portée, et, sinon inspiré par la bonne volonté du devoir, du moins, au sens kantien "conforme" à cette bonne volonté, est une imitation presque parfaite de la vertu ; il lui ressemble comme une poupée à un être vivant ; il n'y manque que l'essentiel ! il manque l'amour qui est l'âme de l'inspiration vertueuse : à cela près, toutes les apparences y sont. L'idée d'intérêt, en passant par l'arithmétique, a perdu complètement sa nuance affective et cette espèce de sensualité, cette chaleur enveloppante, cette intimité qui sont encore au fond du bonheur le plus indirect et le plus prosaïque, - car on peut toute sa vie ne faire que des choses utiles et n'être jamais heureux. Nous voilà donc devenus ascètes par utilité. Qui eût rêvé harmonie plus miraculeuse entre mon avantage et mon devoir ? L'intérêt, c'est vraiment l'ascétisme devenu attrayant, la sainteté mise à la portée de tous ; nous sommes intéressés au sacrifice, et la morale apparaît, en somme, comme une heureuse affaire."
La Mauvaise Conscience, Vladimir Jankélévitch.
La Mauvaise Conscience, Vladimir Jankélévitch.
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