La torture est le recours à la violence – toujours sous l'espèce de la technique – en vue de faire parler; la violence, perfectionnée ou camouflée en technique, veut qu'on parle, veut une parole; quelle parole ? Non pas cette parole de violence – non parlante, fausse de part en part – que logiquement elle peut seulement espérer obtenir, mais une parole vraie, libre et pure de toute violence. Cette contradiction nous offense, mais aussi elle nous inquiète, parce que, dans cette égalité qu'elle établit et ce contact qu'elle rétablit entre violence et parole, elle ranime et provoque cette terrible violence qui est l'intimité silencieuse de toute parole parlante, et ainsi elle remet en cause la vérité de notre langage entendu comme dialogue et du dialogue entendu comme l'espace de la puissance exercée sans violence et luttant contre la puissance. (La formule : "Nous allons le mettre à la raison", que l'on trouve dans la bouche de tout maître de violence, éclaire bien cette complicité que la torture a pour idéal d'affirmer entre la raison et elle-même).
Maurice Blanchot, L'Entretien infini
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