(En aparté, on dirait Benito 16 qui parle de la foi en dégommant Luther au passage) :
... l'acte de la présence, le vrai lieu, là où se rassemble en une unité indivisée ce qui "est" : cette feuille cassée de lierre, cette pierre nue, un pas dispersé dans la nuit.
Le mauvais espoir est celui qui passe par l'idéal – le ciel de l'idée, la beauté des noms, le salut abstrait du concept. L'espoir est espoir vrai en ce qu'il prétend nous donner, dans l'avenir d'une promesse, ce qui est. Ce qui est est la présence. Mais l'espoir n'est qu'espoir. Il y a l'espoir, s'il se rapporte, loin de toute saisie présente, de possession immédiate, à ce qui est toujours à venir, et peut-être ne viendra jamais, et l'espoir dit la venue espérée de ce qui n'est encore qu'en espoir. Plus lointain ou plus difficile est l'objet de l'espoir, plus l'espoir qui l'affirme est profond et proche de sa destinée d'espoir : j'ai peu à espérer, quand ce que j'espère est presque sous la main. L'espoir dit la possibilité de ce qui échappe au possible; il est, à la limite, le rapport ressaisi là où le rapport est perdu. L'espoir est le plus profond lorsque lui-même se retire et de destitue de tout espoir manifeste. Mais, en même temps, il ne faut pas que nous espérions, comme en rêve, une fiction chimérique : c'est contre cela que se désigne le nouvel espoir. Espérant, non le probable qui n'est pas la mesure de ce qu'il y a à espérer, non la fiction de l'irréel, l'espoir vrai – l'inespéré de tout espoir – est l'affirmation de l'improbable et l'attente de ce qui est.
La foi n'est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir, mais qui sont encore absents; elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas encore. Elle attire l'avenir dans le présent, au point que le premier n'est plus le pur « pas-encore ». Le fait que cet avenir existe change le présent; le présent est touché par la réalité future, et ainsi les biens à venir se déversent sur les biens présents et les biens présents sur les biens à venir.)
Maurice Blanchot, L'Entretien infini
À la première page de son livre, l'une des plus belles, Yves Bonnefoy a écrit : "Je dédie ce livre à l'improbable, c'est-à-dire à ce qui est. À un esprit de veille. Aux théologies négatives. À une poésie désirée, de pluie, d'attente et de vent. À un grand réalisme, qui aggrave au lieu de résoudre, qui désigne l'obscur, qui tienne les clartés pour nuées toujours déchirables. Qui ait souci d'une haute et impraticable clarté."
Maurice Blanchot, L'Entretien infini
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