Il ne naquit pas dans un moment de liesse, mais au cours d'un voyage, d'un déplacement forcé. Son peuple aimait les pèlerinages et se mettait volontiers en chemin pour célébrer des fêtes, Pâques ou d'autres, à Jérusalem. Mais lui ne naquit pas lors d'un pèlerinage. Ses parents se déplaçaient pour remplir un devoir triste et insidieux : obéir à un recensement. Aujourd'hui, nous sommes habitués à être comptés, inscrits et incorporés dans des listes, à disposer de nombreuses marques numériques. Certains estiment normal, par simple scrupule, de relever les empreintes de femmes et d'hommes arrivés jusqu'à nous dans leurs fuites sans fin. C'est pourquoi nous, hommes modernes, ne pouvons pas comprendre la peur des Hébreux d'alors, la ruine dont ils avaient déjà fait l'expérience quand un de leurs rois avaient osé compter le peuple auprès duquel Dieu avait d'abord planté une tente, puis un temple. Ce roi obtint des chiffres erronés et subit le châtiment d'une épidémie. Les Hébreux avaient donc déjà été mis en garde contre l'arrogance de donner un nombre aux êtres humains.
Il naquit sous la queue et l'auspice d'une comète, ce qui n'était pas un signe de bonne fortune selon les croyances et les superstitions anciennes. Aujourd'hui, on épingle sur les crèches la petite étoile à la traîne d'or, réconfort dans la nuit, mais alors la comète était un impitoyable projecteur qui dénonçait le lieu et l'événement. Matthieu écrit que trois étrangers vinrent d'un autre orient pour enregistrer le prodige déjà annoncé par leurs calculs, apportant des offrandes solennelles dignes d'une naissance de roi. Le roi au pouvoir, Hérode, se fâcha, redoutant une usurpation. Il ordonna un massacre d'enfants, de zéro à deux ans, à Bethléem et dans tout le territoire environnant. Ce fut une mesure extrême et inefficace : il est prouvé, depuis Moïse, qu'il en réchappe toujours un, le bon, résumé de tous ceux qui ont été tués. Celui qui se trouve être le reste d'innombrables absents assume et possède les énergies de ces vies entravées. Faire des miracles alors n'est qu'un petit dédommagement.
Il ne créa pas le soleil, le feu, ni la lune, ni les étoiles déjà créées, mais il donna la vue aux aveugles, ce qui est une façon d'inventer de la lumière.
Dans la lignée de ses aïeux, il y avait une génitrice cananéenne, Tamar, et une moabite, Ruth, car le Messie est un métis et non pas un pur-sang.
Il sauva une femme condamnée à la lapidation en demandant à ses accusateurs que le premier qui serait pur de péchés s'avance avec la première pierre. Il savait que les hommes lancent facilement les deuxièmes.
Ce passage tout de même sacrifie à l'air du temps :
Il n'eut pas de prétention à l'abstinence, le célibat vint ensuite, une fois les églises fondées.
Ce qui est faux. Mais de même que Plotin, curieusement pour nous, contemporains, voyait comme une punition d'être réincarné en aigle (animal buveur de sang et solitaire, barbare, donc) et une récompense de finir en abeille ou fourmi, "animal civique", parce que pour un Grec rien n'était pire que d'être privé de vie politique, (c'est-à-dire gymnase, banquet, bain, agora, guerre) aujourd'hui, c'est envisager de ne pas se vider régulièrement les couilles dans un vagin ou un anus qui rend un homme socialement et psychiquement suspect, pire qu'un crime de lèse-nature, un crime de lèse-normalité.
S'il naissait aujourd'hui, il serait sur un bateau d'immigrés, jeté en mer avec sa mère en vue des côtes des Pouilles ou de la Calabre.
Peut-être continue-t-il à naître ainsi, sans survivre et le 25 décembre n'est-il seulement que le plus célèbre de ses anniversaires.
Noyau d'olive, Erri de Luca.
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