La grand-rue est en fait la rue la plus longue de Mineo, elle part de la place, juste à côté du Cercle des Nobles, et, au fur et à mesure qu'elle grimpe, elle se rétrécit, se tord, fait plusieurs coudes, et puis enfin elle s'ouvre pour aboutir sur l'esplanade de Santa Maria Maggiore : une étendue jaune où la poussière, le soleil et les gosses qui se chamaillent, s'entassent tous ensembles. Les maisons qui bordent la rue sont toutes semblables, la même chaux les recouvre qui se ternit et s'effrite, elles n'ont qu'un seul étage, les toits aux tuiles d'argile cuite se penchent au-dessus de la rue où presque toutes les portes sont fermées, matin ou soir,été comme hiver. Dans les mois d'hiver, je m'assied derrière les carreaux de la porte et j'aime rester là, les bras ballants, à regarder la pluie qui s'engouffre dans le ruisseau qui bouillonne et gronde, jaunâtre et boueux, en charriant toutes sortes d'ordures. L'atelier est au rez-de-chaussée, avec une belle porte solide et un cadenas qui brunissent lentement, et une fenêtre rectangulaire qui tremble et tinte au passage des charrettes chargées jusqu'au toit de paille ou de bois. C'est curieux pour moi, après trente-deux ans de vie, de parler avec une telle minutie des choses parmi lesquelles je vis ; je découvre avec étonnement que mon âme est éparse parmi toutes ces choses.
Giuseppe Bonaviri, Le tailleur de la grand-rue.
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