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"D'une ville à l'autre, d'un pays à l'autre, dans des lieux plus changeants encore que ceux où nichent les oiseaux migrateurs, tu profites de ces instants de bonheur furtifs, tu voles tant que tu peux, tu ne tomberas que si ton coeur te lâche, tu es enfin un oiseau libre, tu recherches ton bonheur en volant, plus besoin de te tourmenter."
"Quand ils arrivèrent au ministère, le bâtiment était tout entier transformé en centre d'accueil des étudiants de province. Depuis le hall d'entrée jusqu'au couloir des étages, les bureaux avaient été vidés. Partout s'entassaient de la paille, des nattes, des tapis de coton, des nappes de plastique, des couvertures en vrac ; le sol était jonché de jarres émaillées, de bols, de baguettes, de cuillères, une odeur aigre de transpiration flottait, mélangée à l'odeur des navets en saumure et des chaussettes sales. Les lycéens faisaient du tapage, mais n'ayant aucun endroit où passer ces nuits d'hiver au froid vif, ils s'étendaient sur le sol, exténués, et s'endormaient. Ils attendaient que le dirigeant suprême les passe en revue, soit le lendemain soit le surlendemain, pour la septième ou la huitième fois. Chaque fois, plus de deux millions de personnes commençaient à se rassembler au milieu de la nuit, d'abord place Tian'anmen, puis la file s'étirait vers l'est et vers l'ouest, des deux côtés de l'avenue Chang'an, sur plus de dix kilomètres. Le dirigeant suprême, accompagné du vice-commandant en chef Lin Biao brandissant à la main le précieux Petit Livre rouge, passait à bord d'une jeep décapotée entre deux murs humains constitués de jeunes gens figés en rangs serrés ; ces jeunes, le visage baigné de larmes, agitaient le précieux Petit Livre rouge et s'arrachaient la gorge à hurler à tue-tête des "Vive le président Mao". Ensuite, pleins de rage et d'excitation révolutionnaires, ils allaient saccager des écoles et des temples, attaquer des unités de travail, afin de réduire en cendres le vieux monde."
Le livre d'un homme seul
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Cela me fait penser à cette scène qui, à l'époque avait été célébrée comme le courage aux mains nues face à l'oppression mécanisée. Qui avait-il à l'intérieur du véhicule ? Un soldat. Devant lui, un étudiant, un ouvrier, peu importe, un héros prêt à mourir, pur et déterminé en cet instant. De ces héros dont on fait des emblèmes ensuite. Mais aujourd'hui, je me dis que celui qui donne le plus de beauté et d'humanité à cette scène reste tout de même celui qui est dans le char et qui a refusé d'avancer.
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