La Partita II en ré mineur, jouée par Antoine Tamestit a, si on la compare à l'interprétation de Patrick Bismuth, quelque chose de plus intime, de plus doux, que l'archet découpant et net, sabre enflammé du second. Les morceaux résonnent plus souvent comme un dialogue tendre, plus qu'un monologue solaire, une conversation tantôt plaintive (l'Allemande) tantôt allègre (Corrente), mais toujours émue. Les notes, les phrasés, sont, du coup, plus pesés, réfléchis, pensés et détachés. Méditation songeuse, pensive, libérée de toute virtuosité, même dans la gigue, qui ne fait rien de trop, avec aussi, un son joué moins fort, plus en confidence. Après cela, la Chaconne, là où Bismuth jouait dans un élan époustouflant, presque violent, touche au murmure, mais sans rien d'indécis, sans faiblesse. La douceur d'un pinceau chinois.
mercredi 28 novembre 2007
mardi 27 novembre 2007
lundi 19 novembre 2007
The Draughtman's contract
Il y a vraiment fort longtemps, du temps où j'avais la télévision en fait, j'avais vu Drowning by numbers. C'était le premier Greenaway que je voyais et j'étais immédiatement rentrée dedans, comme quelque chose de fait pour moi (comme disent souvent les gens en vous parlant d'un livre ou d'un fim, "ça c'est tout à fait pour toi" et c'est rarement le cas bien sûr, parce que ça ne marche jamais par analogie les affinités) ; bref il y avait dans Drowning by numbers beaucoup de ce que j'aime : l'Angleterre, le jeu des nombres et d'un système ludique anti-hasard, et ce côté gourme détachée carollienne.
Et puis je n'avais plus jamais vu de films de Greenaway. D'abord parce que je n'ai plus eu de poste, ensuite que j'ai une flemme terrible d'aller au cinéma, et puis parce que je savais que je le retrouverai. Un jour, quand les dés du hasard et des pas croisés en décideraient. Hier, j'ai vu enfin The Draughtman's contract qui est tellement proche de Drowning by numbers, avec le 17ème siècle qui est aussi, en Europe, un de mes siècles préférés. Et puis comme j'achève les Lettres de Mme de Sévigné qui parle en détail, dès 1689, des mésaventures de Jacques II et de l'avènement de Guillaume III, et comme je suis aussi fan de L'Embarras de richesses, qui est un des plus beaux livres (et des plus complets aussi) sur les Pays-Bas que j'ai lus, ce clash anglo-hollandais, cette haine de l'Anglais pour la Hollande, m'était familière. J'aime cette outrance de perruques, cette poudre de céruse cadavérique sur les visages masculins, les flambeaux qui rappellent à quel point on vivait encore dans le clair-obscur et ce n'était pas une figure de style.
Et puis il y a aussi Michael Nyman qui réussit à faire du Purcell aussi outré et criard que Greenaway a exagéré les perruques. En fait, la musique résume tout le film : il y a la cruauté, l'ironie, l'allégresse, le rythme, la rigueur, la scie musicale d'une crécelle qui tourne aussi implacablement que les ressorts du complot. Et bon, je me dis maintenant qu'il faut que je renoue avec Greeneway.
vendredi 9 novembre 2007
Où est Dieu ? - Dans ton c.. !
Ou quand Mawlana se fâche, ce qui donne, en gros : "Tu ne sais même pas que ta femme est une pute et tu prétends percer les secrets de l'univers ?" Ils sont d'un délicieux, par moment, ces cheikhs...
"Quelqu'un dit : "cet astronome déclare : "Vous prétendez qu'en dehors de ce firmament et de ce globe terrestre que nous voyons, il y a quelque chose. Pour moi, en dehors du visible il n'y a rien ; sinon, montrez-moi où se trouve."
Le Maître répondit : "Cette question est stupide depuis le début ; car tu dis : "Qu'on me montre où cela se trouve. " Or, pour cette chose, il n'y a pas de lieu. Viens, dis-moi d'où provient ton objection et dans quel lieu elle se trouve. Elle n'est pas dans la langue, ni dans la bouche, ni dans la poitrine : fouille partout, réduis ces organes en parcelles ou en atomes, et tu verras que cette objection et cette pensée, tu ne les saisis nullement dans ces organes. Donc, nous savons que ta pensée n'est pas dans un lieu. Lorsque tu ne connais pas le lieu de ta propre pensée, comment connaîtrais-tu le lieu du Créateur de la pensée ?
Des milliers de pensées et d'états d'esprit passent en toi sans que tu interviennes ; ils ne sont ni dans ta possibilité ni dans en toi, et tu n'es conscient ni de leur origine, ni de leur destinée, ni de leur projet. Alors que tu n'es pas capable de connaître tes propres états, de quelle façon peux-tu t'attendre à connaître le Créateur Lui-même ?
Cet homme ignoble dit que dans le ciel Dieu n'est pas. O chien ! Comment sais-tu qu'il n'y est pas ? En vérité, as-tu traversé les étendues du ciel, empan par empan, et tout parcouru, pour rapporter que là Il n'est pas ? Tu as dans ta propre maison une prostituée et tu ne las connais pas comme telle. Comment veux-tu connaître le ciel ?"
Djalâl-ud-Dîn Rûmî, Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi, trad. Vitray-Meyerovitch.
mercredi 7 novembre 2007
Où que tu sois
"Où que tu sois, et dans quelque situation que tu te trouves, essaie toujours d'être un amoureux et un amoureux passionné. Une fois que tu posséderas l'amour, tu seras toujours un amoureux, dans le tombeau, lors de la résurrection, dans le Paradis, à jamais."
"Majnûn désirait écrire une lettre à Laylâ. Il prit une plume et écrivit ses vers :
Ton nom est sur mes lèvres,
ton image est dans mes yeux,
ton souvenir est dans mon coeur :
à qui donc écrirais-je ?
Ton image réside en mes yeux, ton nom n'est pas hors de mes lèvres, ton souvenir est dans les profondeurs de mon âme, à qui donc écrirais-je, puisque tu te promènes en tous ces lieux ? La plume s'est brisée et le papier s'est déchiré."
Djalâl-ud-Dîn Rûmî, Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi, trad. Vitray-Meyerovitch.
mardi 6 novembre 2007
Faqr
"Quand les vêtements du faqîr sont usés et déchirés, alors son coeur est ouvert."
"Il y a une tête qui sort d'un bonnet doré ; et une tête dont la beauté des boucles est dissimulée par un bonnet doré et une couronne incrustée de pierreries. Car les boucles des beautés attirent l'amour ; là est le trône des coeurs ; la couronne dorée est objet inanimé ; celui qui la porte est le bien-aimé du coeur."
Djalâl-u-Dîn Rûmî, Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi,
lundi 5 novembre 2007
"La comète me fait trop d'honneur"
"Nous avons ici une comète qui est bien étendue aussi ; c'est la plus belle queue qu'il est possible de voir. Tous les grands personnages sont alarmés, et croient fermement que le ciel, bien occupé de leur perte, en donne des avertissements par cette comète. On dit fadement au cardinal Mazarin qu'il y avait une grande comète qui paraissait ; il était alors désespéré des médecins, et ses courtisans crurent qu'il fallait honorer son agonie d'un prodige dont il eut l'esprit de se moquer, et répondit plaisamment : "La comète me fait trop d'honneur." En vérité, on devrait en dire autant que lui, et l'orgueil humain se fait trop d'honneur de croire qu'il y ait de grandes affaires dans les astres quand on doit mourir."
De Mme de Sévigné à Bussy-Rabutin, 8 janvier 1681.
Mot plaisant de Bussy sur la manie qu'ont les anciennes maîtresses du roi de mourir au couvent :
"Si ce temps dure, un chemin sûr aux belles filles pour se sauver, ce sera de passer par les mains du Roi. Je crois que, comme il dit aux malades qu'il touche : "Le Roi te touche, Dieu te guérisse", il dit aux demoiselles qu'il aime : "Le Roi te baise, Dieu te sauve".
De Bussy-Rabutin à Madame de Sévigné, 12 avril 1681.
vendredi 2 novembre 2007
Du savoir-vivre
"On raconte que Mohammad (sur lui le salut) était revenu de la guerre sainte avec ses compagnons. Il dit : "Qu'on batte du tambour, cette nuit nous allons coucher devant la porte de la ville. Demain nous y entrerons." On lui demanda : "Pourquoi cela ?" Il répondit : "Peut-être que vos femmes se trouvent avec des hommes étrangers, vous serez vexés de le voir, et il y aura un scandale." Un de ses compagnons ne l'écouta pas ; il entra, et trouva sa femme avec un étranger."
Djalâl-u-Dîn Rûmî, Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi.
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