Un très bon film, captivant, mais qui est présenté comme une fable morale sur la lâcheté, alors que je trouve que c'est le contraire, il aurait pu s'appeler La Conquête du courage, comme le titre français de The Red Badge of Courage. Car c'est l'histoire d'un homme qui, comme tous les autres, surpris par l'effroi de l'inimaginable violence, n'a pas su réagir rationnellement. Mais qui, à la différence des autres, s'est repris ensuite et a décidé de jouer le bouc émissaire, la balance, l'homme qui s'attache lui-même au piloris pour assumer et exposer sa faute qui est celle de tous les autres : ecce homo. On n'est pas lâche d'avoir eu impulsivement peur, dans un premier geste de recul ou de fuite. On ne l'est même pas quand on ment à l'autorité, par peur enfantine, 'je ne serai plus digne d'amour si je dis que je suis comme ça' ; on le devient quand on persécute avec hargne celui qui a eu le courage de dire 'oui, c'est moi, c'est nous tous'.
Autre blanc dans l'histoire : à aucun moment, les autres, ceux qui n'y étaient pas, les policiers, la journaliste, le procureur, la fiancée ne semblent se poser la question :'et moi qu'aurais-je fait ? comment puis-je être sûr(e) que moi, j'aurais bien réagi ?' Même le capitaine de police qui semble faire acte de courage ou de justice, en parlant à la journaliste, le fait dans l'anonymat, lui. Il peut quitter les lieux de la reconstitution la tête haute, en saluant la demoiselle qui, elle, est bien et ne mérite pas ça du seul fait qu'elle n'y était pas, mais il a, en balançant, fait comme les 37 autres témoins : il a choisi l'ombre et le mensonge.
La fin est décevante parce que plate, réduite à une seule histoire de couple, 'ah et puis finalement, non, je ne te supporte pas comme ça.' (on verrait bien Louise épouser le capitaine Léonard, ensuite, un dur, un mâle droit dans ses bottes, qui ne lui fera jamais honte, au moins).
Dernier indice, hasard ou non, le prénom de l'anti-héros qui devient héros : Pierre. Le modèle de la lâcheté ou de la peur qui trahit, fuit, pleure, Erbarme dich, mein Gott, et puis, au final, ira tout au bout, en son temps de bravoure à lui, comme si on ne peut devenir vraiment courageux que si l'on a commencé par être apeuré. Pas un Judas, non, juste un futur pape.
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