C'est finalement la question de la descendance surnaturelle qui divise les alévis et les bektachis. Dans le Livre de légendes, la chasteté du saint est mentionnée à trois reprises : c'est un derviche voué au célibat, il n'a jamais eu de rapport sexuel, ses testicules apparaissent sous la forme d'une rose blanche et d'une rose rouge. Il n'a pas de disciple mais une épouse spirituelle ou fille adoptive, Kadindjik Ana, qui est décrite l'accueillant à son arrivée au village, recevant ensuite leurs hôtes en leur servant de guide. On remarque que deux femmes, Fatma Badji et Kadindjik Ana, détiennent un rôle prépondérant, signe possible de leur affiliation à une communauté féminine liée à des groupes soufis hétérodoxes, les sœurs de Roum. Selon la légende, Kadindjik Ana avait pour habitude de boire l'eau des ablutions de Hadji Bektash, jusqu'au jour où trois gouttes de son sang y tombèrent et firent qu'elle engendra trois garçons, dont un qui mourut en bas âge. C'est cette fécondation, dite "par le souffle", et non pas "par le sperme", que les alévis ne reconnaissent pas. Pour eux, Hadji Bektash a bien eu deux fils tandis que pour les bektachis, descendre du saint est une filiation purement spirituelle. La branche la plus prestigieuse de leur confrérie était d'ailleurs celle de derviches célibataires, fait inhabituel en islam, reconnaissables par le port d'un anneau à l'oreille droite.
Catherine Pinguet, Les Alévis, bardes d'Anatolie.
jeudi 17 septembre 2009
Les Bektachis, fils des deux roses et du souffle
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