"Tombé soudain là sous mes pas du plus lointain de cet espace et de ce temps coalisés pour nous confondre ce faible souffle sur le sol entre le mur et le buisson me fait trembler d'effroi de joie de gratitude et de vertige car il contient mais inversée la même charge sans mesure que mon regard lorsque l'été lorsque la nuit droit vers le ciel s'élance et plane vidée de poids et de pensée mon esprit simple et démuni qui ne croit rien que ce qu'il touche et se sent proche des points d'or disséminés ici et là même de l'astre le plus pâle et le plus seul à peine vu ni reconnu sur le gravier et pas à pas franchi le seuil où rien n'est plus qui nous réponde je m'aventure hors de moi-même vers ma fin sans m'adresser à tant d'énigmes torturantes à ce soleil à cet amour qui m'ont fait naître et m'ont fait vivre à ces splendeurs qui vont s'éteindre à ces horreurs qui vont cesser à cet espoir qui va dormir à toute main que j'ai serrée à toute lèvre que j'ai bue aucun reproche ni regret car la souffrance est dépassée car la mémoire est en deçà du pur instant du seul regard navigateur qui m'a quitté pour le voyage sans retour."
Jean Tardieu, L'accent grave et l'accent aigu.
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