"Ce poème est précédé, sur la même rime, de deux vers dits par un passant qui s'étonnait de voir Majnûn dormir, bien que sachant Laylâ malade.
""Layla est en Irak, malade", me dit-on,
"Toi qui es son ami, tu devrais dépérir !"
Que Dieu veuille, en Irak, les malades guérie !
Pour moi, à tous ceux-là d'Irak, ma compassion.
S'il est vrai que Laylâ est en Irak et souffre,
La mort va me noyer, m'emporter dans ses gouffres.
J'erre, éperdu, d'un bout à l'autre de la terre,
Et toujours, vers Laylâ, m'est barré le chemin.
Tout au fond de mon coeur, quelqu'un, je le crois bien,
Allume un feu qui flambe, éclate et s'exaspère.
En un fatal sanglot et sur un dernier râle,
Mon âme se souvient de toi et meurt d'amour.
J'ai bu à un soleil dont l'éclat, au plein jour,
Renvoie à son dépit la pleine lune, et voile
De sa pure splendeur tous les feux de l'éclair.
Aussi noires que jais tes boucles, et plus clair
Que lune, ton visage, ô grâce, ô beauté pure !
Fou d'amour, me voici, qui erre à l'aventure ;
Je suis comme un captif enserré dans ses chaînes,
Ma raison s'exténue et le soleil me fuit :
ç'en est trop pour un coeur qui palpite et gémit.
Il ne reste de moi que des os et des veines :
Son amour m'a ruiné le coeur, le corps et l'âme.
Si je meurs, plaignez-moi, épargnez-moi vos blâmes :
Une vie disparue vaut bien d'être pleurée.
Puis écrivez, aux lieux où vous m'enterrerez :
"Des regards l'ont tué, il est mort en amant."
Plains-moi, Seigneur ! J'ai trop aimé, trop enduré !
Laylâ réduit mon coeur au feu et aux tourments !
Le Fou de Laylâ : Le dîwân de Majnûn, trad. André Miquel.
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