"Je ne faisais pas le dévôt parce que je ne pouvais m'assurer que je puisse durer à le contrefaire ; mais j'estimais beaucoup les dévôts ; et, à leur égard, c'est un des plus grands points de la piété. J'accomodais même mes plaisirs au reste de ma pratique. Je ne me pouvais passer de galanterie ; mais je la fis avec Mme de Pommereux, jeune et coquette, mais de la manière qui me convenait ; parce qu'ayant toute la jeunesse, non pas seulement chez elle, mais à ses oreilles, les apparentes affaires des autres couvraient la mienne, qui était, ou du moins qui fut quelques temps après plus effective. Enfin ma conduite me réussit, et au point qu'en vérité je fus fort à la mode parmi les gens de ma profession, et que les dévôts mêmes disaient, après M. Vincent, qui m'avait appliqué ce mot de l'Evangile : que je n'avais pas assez de piété, mais que je n'étais pas trop éloigné du royaume de Dieu."
"le Roi mourut. M. de Beaufort, qui était de tout temps à la Reine, et qui en faisait même le galant, se mit en tête de gouverner, dont il était moins capable que son valet de chambre. M. l'évêque de Beauvais, plus idiot que tous les idiots de votre connaissance, prit la figure de premier ministre, et il demanda dès le premier jour, aux Hollandais qu'ils se convertissent à la religion catholique, si ils voulaient demeurer dans l'alliance de France. La Reine eut honte de cette mômerie de ministère. Elle me commanda d'aller offrir, de sa part, la première place à mon père ; et voyant qu'il refusait obstinément de sortir de sa cellule des pères de l'Oratoire, elle se mit entre les mains de M. le cardinal Mazarin."
"Comme j'étais obligé de prendre les ordres, je fis une retraite dans Saint-Lazare, où je donnai à l'extérieur toutes les apparences ordinaires. L'occupation de mon intérieur fut une grande et profonde réflexion sur la manière que je devais prendre pour ma conduite. Elle était très difficile. Je trouvais l'archevêché de Paris dégradé, à l'égard du monde, par les bassesses de mon oncle, et désolé, à l'égard de Dieu, par sa négligence et par son incapacité. Je prévoyais des oppositions infinies à son rétablissement ; et je n'étais pas si aveuglé, que je ne connusse que la plus grande et la plus insurmontable était dans moi-même. Je n'ignorais pas de quelle nécessité est la règle des moeurs à un évêque. Je sentais que le désordre scandaleux de ceux de mon oncle me l'imposait encore plus étroite et plus indispensable qu'aux autres ; et je sentais, en même temps, que je n'en étais pas capable, et que tous les obstacles et de conscience et de gloire que j'opposerais au dérèglement ne seraient que des digues fort mal assurées. Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein, ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde : et parce qu'en le faisant ainsi on y met toujours des préalables, qui en couvrent une partie ; et parce que l'on évite, par ce moyen, le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre profession, qui est celui de mêler à contretemps le péché dans la dévotion.
Voilà la sainte disposition avec laquelle je sortis de Saint-Lazare. Elle ne fut pourtant pas de tout point mauvaise ; car je pris une ferme résolution de remplir exactement tous les devoirs de ma profession, et d'être aussi homme de bien pour le salut des autres, que je pourrais être méchant pour moi-même."
"M. de Beaufort, pour soutenir ce qu'il faisait contre la Régente, contre le ministre et contre tous les princes du sang, forma une cabale de gens qui sont tous morts fous, mais qui, dès ce temps-là, ne me paraissaient guère sages..."
Cardinal de Retz, Mémoires.
"le Roi mourut. M. de Beaufort, qui était de tout temps à la Reine, et qui en faisait même le galant, se mit en tête de gouverner, dont il était moins capable que son valet de chambre. M. l'évêque de Beauvais, plus idiot que tous les idiots de votre connaissance, prit la figure de premier ministre, et il demanda dès le premier jour, aux Hollandais qu'ils se convertissent à la religion catholique, si ils voulaient demeurer dans l'alliance de France. La Reine eut honte de cette mômerie de ministère. Elle me commanda d'aller offrir, de sa part, la première place à mon père ; et voyant qu'il refusait obstinément de sortir de sa cellule des pères de l'Oratoire, elle se mit entre les mains de M. le cardinal Mazarin."
"Comme j'étais obligé de prendre les ordres, je fis une retraite dans Saint-Lazare, où je donnai à l'extérieur toutes les apparences ordinaires. L'occupation de mon intérieur fut une grande et profonde réflexion sur la manière que je devais prendre pour ma conduite. Elle était très difficile. Je trouvais l'archevêché de Paris dégradé, à l'égard du monde, par les bassesses de mon oncle, et désolé, à l'égard de Dieu, par sa négligence et par son incapacité. Je prévoyais des oppositions infinies à son rétablissement ; et je n'étais pas si aveuglé, que je ne connusse que la plus grande et la plus insurmontable était dans moi-même. Je n'ignorais pas de quelle nécessité est la règle des moeurs à un évêque. Je sentais que le désordre scandaleux de ceux de mon oncle me l'imposait encore plus étroite et plus indispensable qu'aux autres ; et je sentais, en même temps, que je n'en étais pas capable, et que tous les obstacles et de conscience et de gloire que j'opposerais au dérèglement ne seraient que des digues fort mal assurées. Je pris, après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein, ce qui est sans comparaison le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est sans doute le plus sage devant le monde : et parce qu'en le faisant ainsi on y met toujours des préalables, qui en couvrent une partie ; et parce que l'on évite, par ce moyen, le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre profession, qui est celui de mêler à contretemps le péché dans la dévotion.
Voilà la sainte disposition avec laquelle je sortis de Saint-Lazare. Elle ne fut pourtant pas de tout point mauvaise ; car je pris une ferme résolution de remplir exactement tous les devoirs de ma profession, et d'être aussi homme de bien pour le salut des autres, que je pourrais être méchant pour moi-même."
"M. de Beaufort, pour soutenir ce qu'il faisait contre la Régente, contre le ministre et contre tous les princes du sang, forma une cabale de gens qui sont tous morts fous, mais qui, dès ce temps-là, ne me paraissaient guère sages..."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire