Un des motifs puissants de la malâmatiyya est l'horreur des éloges mal venus, la louange des imbéciles, des niais, des aveugles, des paresseux, des ignorants. Le réflexe qui prime chez eux est l'indignation ou la suspicion : "Qui es-tu pour me louer, toi ???" (C'est-à-dire l'opposé de la doxa du jour qui veut que "personne n'a le droit de blâmer personne, et qui es-tu pour me faire la morale, gna gna gna..."). Or si un Malâmatî ne cherche que cela, le blâme, c'est peut-être pour éviter certaines louanges qui sonnent en insultes tellement elles viennent de très bas... un peu comme on se gare prudemment d'éclats de boue. La question est : pourquoi se sentaient-ils à ce point offensés? Et qu'est-ce qui les offensait ?
La superficialité. Et comme la superficialité est à la fois hâtive et paresseuse, elle a quelque chose de la muflerie, et donc elle relève de la grossièreté, de l'offense.
"Le Maître dit que Sayyid Borhân-ud Dîn Mohaqiq (que dieu sanctifie son secret !) parlait quand quelqu'un entra, disant : "J'ai entendu ton éloge dans la bouche d'un tel. " Il répondit : "Voyons, qui est cet un tel ? A-t-il vraiment le rang spirituel nécessaire pour me connaître et faire mon éloge ? S'il me connaît seulement par les discours, il ne me connaît pas ; car ces discours, cette bouche et ces lèvres ne durent pas : tous ces phénomènes ne sont qu'accidents. Mais s'il me connaît par mes actions, s'il connaît mon essence, je sais qu'il peut faire mon éloge, et que son éloge est le mien.""
Djalâl-ud-Dîn Rûmî, Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi, trad. Vitray-Meyerovitch.
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