mercredi 14 mars 2007

"Un abruti, si vous voulez !"




Ecoutant un débat entre Michel Serres et Vladimir Jankélévitch contestant la réforme Haby qui voulait supprimer quasiment la philosophie du secondaire : Jankélévitch répète sa conviction, que le sort de l'Histoire et de la Philosophie est lié, que ceux qui veulent éradiquer la Philosophie de l'enseignement ont même but que ceux qui veulent en supprimer l'Histoire, c'est-à-dire "faire une nation de crétins". Serres : - Vous croyez ? - enfin d'abrutis, quoi !" De fait les deux disciplines ont pour effet de relativiser la vie présente, de permettre la critique des propos que l'on y tient. Savoir d'où l'on vient, pourquoi l'on agit de telle façon et pas autrement, et quelle est la part d'arbitraire dans ce qui n'est qu'un héritage circonstanciel et non une vérité nécessaire. Devant n'importe quelle dépêche, n'importe quel propos tenu dans les média, n'importe quel énoncé "au temps présent", la philosophie objecte : "cela ne pourrait-il pas être autrement ?" et l'histoire : "cela aurait pu être autrement."


Si bien que quand j'entends (et c'est fréquent, parce que beaucoup prennent cela à la légère, comme un péché mignon, ou un trait anodin, genre "je n'aime pas le chocolat" ou les séries télévisées) : "Oh moi, en histoire, je suis nul !", d'un quidam qui paraît pleinement s'en satisfaire, j'ai l'impression soudain de ne plus avoir tout à fait un être humain devant moi, mais un poisson rouge, bouche ouverte prête à gober n'importe quoi, sans aucun discernement. Un crétin volontaire, oui.


Imaginons un amnésique à qui, chaque matin, on fait avaler une nouvelle identité, un nouveau passé, et qui étant sans mémoire n'a pas les moyens de rectifier, (thème pris dans Dark City film par ailleurs comique de nullité, mais que Taupe semble affectionner pour de mystérieuses raisons). Eh bien, un inculte en histoire, c'est cela, un zombie heureux ou chagrin, mais qui ne jouit vraiment pas de toutes ses facultés, c'est-à-dire quelqu'un qui avancerait sur une route sans voir à côté ni derrière, avec un champ visuel rétréci au maximum, "un abruti, si vous voulez !"

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.