jeudi 1 septembre 2005

Crampée


A force de me marrer dessus, dans le train, au café, je vais le faire remarquer, ce bouquin :

"John était en route avant l'aube et de retour au crépuscule sans rien d'autre dans l'intervalle qu'une implacable litanie d'égorgements qui aurait réduit aux larmes la plupart des bandits de grand chemin de Pottville."


"Un vieux bandit est aussi différent d'un rustaud qu'un rustaud est différent d'une racaille blanche. Bien que tous puissent sembler ne faire qu'un pour certains, être les trois visages de la monade pour d'autres, et écartelés quelque part entre deux extrêmes indistinctement horribles - les rats de rivière et les trolls - aux yeux de ceux qui sont totalement incapables de distinguer leur sirop d'orgeat d'un mint-julep (foutus yankees !), quiconque est de la région reconnaîtra sans discuter que les vieux bandits seront toujours les moins dangereux du lot. Ils ne sont généralement pas là pour chercher des crosses - ils veulent seulement se défouler un peu - et un sympathisant des brigades d'intervention d'Act-Up, de l'association spirituelle arboriphile de Bad Kleinkircheim ou des amis et partisans du révérend Jesse jackson pourrait encore passer au travers des deux ou trois heures suivantes sans trop de problèmes. Répétons-le, si la soirée devait se terminer sur cette note, le Whistlin' Dick ne se distinguerait guère de n'importe quel rade ouvrier du pays. Mais c'est Pullman Valley, et la phase numéro deux survit rarement au passage de minuit.

Alors, on commence à avoir un aperçu de frisson qui dut serrer le coeur et l'âme des Shawnees il y a deux siècles, quand cette première cargaison de bons à rien venus d'Europe déboula dans la vallée par le défilé de la rivière."

En fait, cette ville de dégénérés est tellement à hurler de rire, qu'elle en devient sympathique.

"La dernière arrestation fut celle d'un ouvrier de l'usine d'armement qui, faisant un saut chez lui au milieu d'une interminable tournée des bars, avait trouvé maison vide et aussitôt soupçonné quelque diablerie levantine entre son épouse de vingt et un ans et un commerçant voisin. Il s'était alors précipité à la boutique dudit commerçant et avait fait voler en éclats deux vitrines de belle taille à poings nus. Lorsqu'il avait été arrêté et mis sous sédatifs, il n'avait rien trouvé à dire pour sa défense. Il fut emmené aux urgences. Sa femme, qui, soit dit en passant, avait filé cinq minutes plus tôt au marché acheter de la viande pour le déjeuner et s'en était retournée pour trouver une cuisine sens dessus dessous et la porte d'entrée arrachée à ses gonds, déclara que "Stanley est un peu nerveux de temps à autre, surtout avec la lune."


Et puis à d'autres moments, comme des perles dans le purin, des passages de pure merveille.


"Parfois il restait des heures entières dans le cimetière. Il s'endormit une fois et se réveilla au milieu d'une tempête, couvert de limaces. Il se rappellerait plus tard cette soirée comme l'une des plus belles de sa vie. Quelque chose dans le défilement des nuages juste au-dessus de sa tête, dans le vent qui escaladait la colline par le sud pour les rejoindre, et lui, là au milieu, qui secouait son jean trempé pour faire tomber les gastéropodes."


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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.