Le merle le matin. Lisse ses plumes, frotte son bec contre le tronc de l'arbre, comme nous nous lavons les dents. Il fait ça chaque matin, bien sûr. Ce qui apaise et combre l'inquiétude humaine dans le spectacle de la nature, c'est sa plénitude, la densité de la vie animale, ou végétale, où rien n'est vide, inoccupé. Les animaux ont toujours quelque chose à faire pour leur survie. L'instinct ne laisse pas de place au farniente. Dans une vie d'oiseau, d'écureuil, il n'y a rien d'inutile, d'improductif, de gratuit. L'instinct les enchaîne d'une certaine façon et les délivre de la pensée. Nous connaissons, nous, l'angoisse du vide, de l'inutile, car nous avons ce choix. Faire ou ne pas faire. Nous pouvons rester assis à méditer dans une forêt toute la journée ou courir au bureau : cela n'a au fond aucune importance dans la marche de l'univers. C'est ça le libre arbitre, l'angoissante pensée de : Quoi que tu fasses, cela a si peu d'importance. Alors nous nous réfugions dans des rites inventés : les cultes, les prières quotidiennes, les régimes alimentaires, cette façon de "donner sens à la vie" via des pratiques au fond toutes artificielles, - on pourrait faire cela ou autre chose - n'est qu'une façon de nier et combler ce vide, de courir après la vie verrouillée de l'écureuil ou du merle.
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