Contre cette islamophobie fatigante et en générale d'une ignorance crasse, qui court un peu partout en ce moment et notamment sur la blogosphère, et aussi contre ceux qui sont persuadés de la supériorité de la culture judéo-chrétienne en feignant de ne pas voir que le rameau abrahamique a trois branches, je tombe sur ce texte, amusant quand on en connaît l'auteur :
"Il est difficile de partager l'opinion de ceux qui veulent montrer dans le dogme mahométan un empêchement direct au développement intellectuel. Le contraire semblerait plus soutenable. Une religion qui a prononcé cette formule :"l'encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs", qui assure que chaque homme, au jugement dernier, sera examiné sévèrement sur l'usage qu'il aura fait de l'intelligence à lui départie, qui a vu depuis sa naissance au VII° siècle jusqu'à la fin du XVI° siècle, pour ne pas descendre plus bas, une telle prospérité matérielle soutenue et entretenue par un tel état scientifique et littéraire dont nous ne connaissons en réalité pas tout, cette religion ne saurait passer avec justice pour contraire aux labeurs de l'esprit. Que si, depuis la dernière date que j'indique, l'Asie Centrale a souvent été déclinant, ce phénomène s'explique assez sans qu'on ait besoin de s'en prendre à l'islam. Qu'on suppose, dans un pays européen quelconque, la prédominance absolue de la discipline militaire et administrative, pendant une période de deux cent cinquante ans, comme cela a eu lieu en Turquie; qu'on y conçoive quelque chose de pareil à l'anarchie guerrière de l'Egypte sous une conscription d'esclaves étrangers, Circassiens, Géorgiens, Turks, Albanais; qu'on s'y figure, comme dans la Perse postérieurement à l'année 1730, une invasion afghane, la tyrannie soldatesque de Nader-Shah, les crutautés et les ravages qui ont marqué l'avènement de la dynastie actuelle des Kadjars; que l'on réunisse cet ensemble de circonstances, avec le concert de causes secondaires qu'il amène tout naturellement, on concevra alors ce que le pays européen que j'imagine, tout européen qu'il sera, aura pu devenir, et je ne trouve pas nécessaire de chercher d'autre explication à la ruine des pays orientaux ni de charger l'islam d'une responsabilité injuste. Je me refuse tout à fait à accuser d'obscurantisme une foi religieuse à laquelle on pourrait mieux reprocher de ressembler plutôt à une philosophie assez vague qu'à une observance définie, et qui, d'ailleurs, soit dit encore une fois, a sinon créé, du moins laissé créer d'assez belles périodes d'intelligence pour qu'on lui épargne des reproches que les faits démentent. Je ne suppose pas nécessaire d'élaborer ici une apologie pour expliquer l'existence de moullas plus ou moins ignorants et grossiers. Il en est, sans doute, et des plus grotesques, mais il faut avouer de même qu'il a existé de tout temps, et même en Europe, des philosophes et des savants qui n'étaient pas des modèles de raison et de bons sentiments, ce qui n'est pas plus à la charge de la science que les sottises de prêtres ineptes ne sauraient l'être à celle de l'islam."
Et qui dit ça ? Quel est cet inféodé à l'obscurantisme asiatique ? Le comte de Gobineau, le chantre des vertus de la race blanche, de la supériorité du monde européen, mais qui, dans son essai Religions et philosophies dans l'Asie centrale, laisse transparaître à chaque page qu'il est séduit par l'Asie et les Asiatiques.
"Il est difficile de partager l'opinion de ceux qui veulent montrer dans le dogme mahométan un empêchement direct au développement intellectuel. Le contraire semblerait plus soutenable. Une religion qui a prononcé cette formule :"l'encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs", qui assure que chaque homme, au jugement dernier, sera examiné sévèrement sur l'usage qu'il aura fait de l'intelligence à lui départie, qui a vu depuis sa naissance au VII° siècle jusqu'à la fin du XVI° siècle, pour ne pas descendre plus bas, une telle prospérité matérielle soutenue et entretenue par un tel état scientifique et littéraire dont nous ne connaissons en réalité pas tout, cette religion ne saurait passer avec justice pour contraire aux labeurs de l'esprit. Que si, depuis la dernière date que j'indique, l'Asie Centrale a souvent été déclinant, ce phénomène s'explique assez sans qu'on ait besoin de s'en prendre à l'islam. Qu'on suppose, dans un pays européen quelconque, la prédominance absolue de la discipline militaire et administrative, pendant une période de deux cent cinquante ans, comme cela a eu lieu en Turquie; qu'on y conçoive quelque chose de pareil à l'anarchie guerrière de l'Egypte sous une conscription d'esclaves étrangers, Circassiens, Géorgiens, Turks, Albanais; qu'on s'y figure, comme dans la Perse postérieurement à l'année 1730, une invasion afghane, la tyrannie soldatesque de Nader-Shah, les crutautés et les ravages qui ont marqué l'avènement de la dynastie actuelle des Kadjars; que l'on réunisse cet ensemble de circonstances, avec le concert de causes secondaires qu'il amène tout naturellement, on concevra alors ce que le pays européen que j'imagine, tout européen qu'il sera, aura pu devenir, et je ne trouve pas nécessaire de chercher d'autre explication à la ruine des pays orientaux ni de charger l'islam d'une responsabilité injuste. Je me refuse tout à fait à accuser d'obscurantisme une foi religieuse à laquelle on pourrait mieux reprocher de ressembler plutôt à une philosophie assez vague qu'à une observance définie, et qui, d'ailleurs, soit dit encore une fois, a sinon créé, du moins laissé créer d'assez belles périodes d'intelligence pour qu'on lui épargne des reproches que les faits démentent. Je ne suppose pas nécessaire d'élaborer ici une apologie pour expliquer l'existence de moullas plus ou moins ignorants et grossiers. Il en est, sans doute, et des plus grotesques, mais il faut avouer de même qu'il a existé de tout temps, et même en Europe, des philosophes et des savants qui n'étaient pas des modèles de raison et de bons sentiments, ce qui n'est pas plus à la charge de la science que les sottises de prêtres ineptes ne sauraient l'être à celle de l'islam."
Et qui dit ça ? Quel est cet inféodé à l'obscurantisme asiatique ? Le comte de Gobineau, le chantre des vertus de la race blanche, de la supériorité du monde européen, mais qui, dans son essai Religions et philosophies dans l'Asie centrale, laisse transparaître à chaque page qu'il est séduit par l'Asie et les Asiatiques.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire