"Mardi 27 septembre. - Cinquante-neuvième aniversaire de Bud Powell. Je sens autour de moi une aversion féroce sourdre au sujet d'Hélène. Plus personne ne peut la sentir. En ne me donnant aucune nouvelle, elle s'est grillée auprès de mes amis, à jamais. La belle surprise du retour ! "Tu vaux mieux que ça... trop grand pour elle... inadmissible... elle avait un fauteuil, maintenant elle a un strapontin... ". Taisez-vous, jaloux, je sais qui j'aime.
Emotion sans pareille : parmi les coups de téléphone à donner à l'étranger sur le compte de cette crapule de Charlie, j'appelle Hélène à New York. Pour elle, ça fait huit heures du matin. Rarement nous avons vécu quelque chose d'aussi fort. J'étais mouillé des pieds à la tête. Elle n'arrivait plus à parler que par saccades chevrotantes. Moi je n'avais plus de salive ni de jambes. Ce n'est pas possible d'être si incurable que ça. Notre union est indestructible, je le sens bien là. Nous nous confirmons notre désarroi, le grand désert sexuel de chaque côté et le besoin absolu de l'autre qui nous visse à la vie. Elle dit m'avoir écrit une lettre et avoir conservé pour moi toutes ses sensations. Le 11 octobre elle sera dans mes bras. Le plus dur c'est de supporter de l'entendre pleurer d'émotion à plus de cinq mille kilomètres !!! Et de raccrocher en me disant pour la première fois de sa vie, "Je t'aime" ! Je vais mettre trente ans pour m'en remettre ! Quelle souffrance ! Quelle confiance ! Aucune femme au monde ne lui arrive à la cheville. Sans elle je suis éteint, mort, nul, à jeter. Attendre encore quinze jours avant de la tenir, l'écouter, la voir, l'adorer ! ça me semble aujourd'hui impossible. Malgré la morosité effilochée de ma situation, amputé des deux jambes pour toute la journée, je suis comme illuminé par la force, la grande puissance de savoir que la femme qui tient mon suicide entre mes mains est VIVANTE. Quelle belle journée que celle de la mort de Tino Rossi !"
Journal Intime, Marc-Edouard Nabe, pp 117-1118.
Emotion sans pareille : parmi les coups de téléphone à donner à l'étranger sur le compte de cette crapule de Charlie, j'appelle Hélène à New York. Pour elle, ça fait huit heures du matin. Rarement nous avons vécu quelque chose d'aussi fort. J'étais mouillé des pieds à la tête. Elle n'arrivait plus à parler que par saccades chevrotantes. Moi je n'avais plus de salive ni de jambes. Ce n'est pas possible d'être si incurable que ça. Notre union est indestructible, je le sens bien là. Nous nous confirmons notre désarroi, le grand désert sexuel de chaque côté et le besoin absolu de l'autre qui nous visse à la vie. Elle dit m'avoir écrit une lettre et avoir conservé pour moi toutes ses sensations. Le 11 octobre elle sera dans mes bras. Le plus dur c'est de supporter de l'entendre pleurer d'émotion à plus de cinq mille kilomètres !!! Et de raccrocher en me disant pour la première fois de sa vie, "Je t'aime" ! Je vais mettre trente ans pour m'en remettre ! Quelle souffrance ! Quelle confiance ! Aucune femme au monde ne lui arrive à la cheville. Sans elle je suis éteint, mort, nul, à jeter. Attendre encore quinze jours avant de la tenir, l'écouter, la voir, l'adorer ! ça me semble aujourd'hui impossible. Malgré la morosité effilochée de ma situation, amputé des deux jambes pour toute la journée, je suis comme illuminé par la force, la grande puissance de savoir que la femme qui tient mon suicide entre mes mains est VIVANTE. Quelle belle journée que celle de la mort de Tino Rossi !"
Journal Intime, Marc-Edouard Nabe, pp 117-1118.
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