"Alors même qu'il semble aujourd'hui que l'argent soit le seul dieu prié sur le continent chinois, on se rassure de voir que les vieux temples de jadis sont toujours là. Ou plutôt qu'ils sont de nouveau là, reconstruits quand ils avaient été abandonnés, et que l'on s'y presse, jeunes et vieux, touristes chinois et paysans du lieu. À croire que trente années de marxisme athée, de maoïsme antireligieux ont glissé sur le cœur des Chinois comme l'eau sur l'aile d'un canard et que, comme l'a si bien dit Claude Larre, "couchées un temps sous la rafale de la Révolution, les coutumes et les croyances de la Chine traditionnelle poursuit[vent] leurs vies dans le secrets des consciences."Cyrille Javary, Les Trois sagesses chinoises: Taoïsme, confucianisme, bouddhisme.
Cela rejoint ce qu'observait et concluait Nicolas Bouvier, dans Routes et Déroutes, devant le regain de piété dans le monde slave après la chute du communisme :
"Une chose qui me touche beaucoup dans le monde slave, c'est une forme de piété candide, innocente, assez sonore aussi. Aussitôt qu'avec l'effet Gorbatchev on a réouvert les églises, le chant choral, la dévotion aux icônes et cette folie d'allumer des cierges à tout propos sont revenus. Parce que ce sont de bonnes choses. C'est comme les tranches géologiques. Il y a des reliefs durs qui survivent et des reliefs molassiques qui s'érodent. C'est pourquoi tous ces problèmes d'identité, qu'on chérit et qu'on évoque si souvent maintenant, me paraissent une véritable tarte à la crème. Parce que de deux choses l'une : ou bien on a une identité authentique, auquel cas on ne peut la perdre, ou bien on n'en a pas et ce n'est pas la peine d'utiliser son énergie à défendre ce qu'on n'a jamais eu."
Ainsi, en est-il, peut-être, du soudain regain de l'islam en Turquie, après le compresseur kémaliste. Non pas le 'retour du religieux' en Turquie, car peut-être n'en était-il jamais parti.
Partant de là, si cette hypothèse des reliefs durs et des reliefs molassiques de la religion se vérifie, les chrétiens qui se lamentent sur la désertion des églises et des temples en Europe le font soit à tort, soit en vain : il se peut que l'Europe païenne (à la queue des mouvements druidiques, néo-paganistes ou du Notre Mère la Nature des New Age) ressorte de sous un rouleau compresseur monothéiste qui ne lui appartenait pas en propre ; ou bien le christianisme est un 'relief dur' de l'Europe, et il reviendra, peut-être à un état plus primitif, plus originel, débarrassé de quelques scories historiques ou dogmatiques, à l'image du christianisme avant le césaro-papisme. Dans les deux cas, pas la peine de s'en faire : comme le dit Sonny dans The Best Exotic Marigold Hotel :
Everything will be all right in the end... if it's not all right then it's not yet the end.
François Stroobant, lithographie en couleurs, Université de Liège |
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