dimanche 24 février 2013

L'homme qui riait avec les dieux





Lucien Jerphagnon qui sort un livre, à titre posthume, en plus, tout juste pour écorner mon peu d'économies. Heureusement que Jankélévitch ne s'y met pas, j'en sortirais jamais. 


Mais quand j'entends, dans Les Racines du Ciel, Jacqueline Kelen gnagnater sur 'le monde qui va mal sans Dieu' (sans 'son' Dieu, évidemment, les autres transcendances n'étant que des 'sagesses', paraît-il),  quelle différence avec le sourire de Jerphagnon, jusqu'au bout, jusqu'à la fin et je l'imagine répliquer en haussant un sourcil : 'Mais le monde a TOUJOURS été jouisseur, consumériste, indifférent sauf à son bien-être ! Transportez-vous à Rome au temps de Paul et de Pierre, et vous verriez…' (et je ne crois pas que Paul Veyne contredirait).

On devrait faire l'inverse, dans le cheminement humain : commencer, à 20 ans, par l'amertume, le pessimisme, le cynisme désabusé, la haine de son époque, et plus on avancerait en âge, terminer par l'optimise, la décontraction, le rire avec les dieux, et mourir avec un sourire jusqu'aux oreilles, en disant  aux anges : "Ça va, ça va, ce n'est pas si mal". "Dans la lumière du soleil couchant, ne pas tambouriner les jarres d'argiles et chanter, donc pousser des gémissements comme les grands vieillards = FERMETURE" comme dit le yi king, avec ses commentaires à la "Dans Ta Face'.


L'Homme qui riait avec les dieux

dimanche 17 février 2013

La sagesse du bonsaï


Acheté un bonsai ficus assez laid mais qui tendait vers moi ses branches de façon pathétique, un peu comme on se fait avoir dans une animalerie quand, au milieu de chiots et de chatons ravissants, on croise le regard suppliant du laideron. 

*



  Departures, de Yojiro Takita, joli film, très agréable, vu d'une traite.


*


 Enfin, le premier jour de Carême ! Pourquoi j'aime autant ça ? Je ne sais. Je crois que j'aime les changements ; le Carême, c'est comme un voyage, un peu la même ascèse. Et puis me voir fondre, me dire que je serai plus en forme, tout ça… 


En fait, cela trompe aussi mon ennui. Et puis j'aime les règles, les almanach, les emplois du temps, les maqâms, les étapes, les protocoles. 

Pas eu faim de la journée. J'étais même en plein conscience, tranquille, sans attente ou une attente de rien. Comme en voyage. 

*

Un soir, je croise, un nombre plus élevé de couples que d'habitude, marchant main dans la main, mais pas comme des flâneurs, du pas de ceux qui se rendent quelque part. Ah oui, Saint-Valentin ! 

Curieusement, la plupart ont la même allure : ils se donnent la main mais ne se regardent pas, ni ne se parlent. L'homme a souvent un air concentré, fermé, comme s'il révisait quelque chose, un plan, un protocole. La femme, plus nonchalante, ou en retrait, ou en attente. Pas de sourire. On dirait qu'ils se rendent à l'église pour une cérémonie, presque un devoir familial, ou social. 

 La Saint-Valentin, c'est comme Noël ou le Jour de l'An. Quand on a avec qui (on doit) fêter ça, c'est souvent la corvée, la fatigue, l'ennui inconscient ou non. Quand on est seul, c'est le sentiment de la lose, ou du ratage, enfin du doute : ai-je bien fait ? ai-je réussi ma vie ? 

Au reste, les vrais amoureux n'ont sans doute jamais envie de sortir ce soir-là, de se joindre au troupeau sinistre. 

*

 Me mettre en accord avec la saison. Pour le moment il n'y a que des pousses, sous la terre, qui peinent à percer le sol mais qui percent, tout de même, imperceptiblement. Des fois, je me dis que Dieu fait de nous des bonsaï. Torturer la pousse, pour bien la (dé?)former. La sérénité du maître, ce n'est peut-être, finalement, que la sagesse du bonsaï.

vendredi 15 février 2013

Une fois encore, Luther est passé par là

Contrairement aux messes catholiques, l'annonce du jugement dernier n'infère ici aucun sentiment d'angoisse, voire de terreur –il est d'ailleurs symptomatique que les trompettes, omniprésentes dans le morceau, se taisent au lieu d'annoncer le jugement menaçant, Tuba mirum épargnes sonum, comme dans une messe de Requiem. Le morceau est tout entier voué à la gloire de la résurrection. "L'annonce du jugement est prise dans le même mouvement d'allegro très dansant qui marque tout le chapitre de la résurrection et de l'ascension. On ne perçoit pas le moindre ralentissement qui pourrait traduire une inquiétude humaine. Pourquoi la perspective du jugement viendrait-elle inquiéter des chrétiens dont on vient d'affirmer qu'ils avaient été rachetés par le sang du Christ dans le plus merveilleux des échanges ? Seuls pourraient être anxieux ceux dont la foi est défaillante. Et ils n'ont pas de place dans la solennelle séquence d'affirmation qu'est le Symbole de Nicée."(Jean-François Labie). Si ce n'est que la dernière affirmation, Et expecto resurrectionem mortuorum, révèlera, sinon une défaillance de la foi, du moins l'emprise subite d'un moment de doute et d'anxiété. Mais le jugement dernier n'est évoqué que rapidement, pour laisser se développer largement la conclusion, l'éternité du règne de Dieu. Le jugement marque le terme de la création, après quoi il n'y a plus de temps. "Il n'y aura plus de nuit", lit-on à la fin de l'Apocalypse (Ap 22, 5). Et c'est à nouveau une entrée fuguée semblable à celle du Et resurrexit qui s'élève et prolifère dans une jubilation générale, avant une conclusion instrumentale où la part belle revient à la première trompette, reprenant le motif principal et sa longue guirlande.
J.-S. Bach : Passions, messes et motets

mardi 5 février 2013

Un assassin blanc comme neige

Cosmè Tura
v. 1475
peinture sur bois
Musée du Louvre, Paris

Chaque jour est une lutte avec l’ange des ténèbres, celui qui plaque ses mains glacées sur nos yeux pour nous empêcher de voir notre gloire cachée dans notre misère.

Un assassin blanc comme neige, Christian Bobin.

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.