Depuis quelques temps, ce n'est plus l'hiver absolu. Il n'y a plus cette froideur bleu vif et blanche de janvier. Sur les arbres, la terre, presque imperceptible, une ombre verte, ce vert-de-gris que les Persans appellent zangâri , زنگارئ et que Hafez utilise avec tendresse pour décrire la première ombre sur la joue ou le menton de son Aimé presque-pubère : le vert-de-gris, le frais duvet (mais l'emploie plus rarement que Khat, خط, le trait tracé au calame, le "fin duvet") . C'est bien ça, du reste. La nature devient terne comme un oison en croissance. Février-mars, c'est l'âge ingrat du monde, en attendant son vrai printemps.
Gémis, rossignol, si tu penses m'accompagner, nous sommes deux amants en larmes, occupés à nous désoler !Là-bas, en cette Terre où souffle une brise venue des mèches de l'Ami, y a-t-il lieu de humer les poches de musc de Tartarie ?Apporte le Vin, que nous en coloriions notre habit d'hypocrisie. Car enivrés à la coupe de vanité, nous sommes réputés pour notre sobriété !Penser atteindre Tes cheveux n'est pas affaire d'inexpérimentés : avancer sous les chaînes est la voie de l'audace.Il y a une subtilité cachée d'où lève l'amour, car le nom de "ça" n'est ni la lèvre rubis, ni le frais duvet زنگارئLa beauté d'une personne n'est pas ses yeux, mi son visage, ses joues, son fin duvet, خط. Il y a mille points subtils en cette affaire de la séduction.Les solitaires sur la Voie n'achèteront pour un demi-grain d'orge le manteau de satin de qui est dépourvu de vertu.Il est difficile de pouvoir atteindre Ton seuil. Oui, rude est l'ascension au firmament !À l'aube je voyais en rêve Ton clin d'œil. Heureux les degrés du rêve, meilleurs que l'éveil !Ne tourmente Son cœur par tes gémissements, Hâfez, et finis-en ! Car le salut éternel est de ne nuire à personne.
Hâfez de Chiraz, Le Divân, ghazal 67, trad. Charles-Henri de Fouchécour.
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