Il écoutait la parole quotidienne, grave, légère, disant tout, proposant à chacun ce qu'il aurait aimé dire, parole unique, lointaine, proche, parole de tous, toujours déjà exprimée et pourtant infiniment douce à dire, infiniment précieuse à entendre, parole de l'éternité temporelle, disant : maintenant, maintenant, maintenant.
Comment en était-il venu à vouloir l'interruption du discours ? Et non pas la pause légitime, celle permettant le tour à tour des conversations, la pause bienveillante, intelligente, ou encore la belle attente par laquelle deux interlocuteurs, d'une rive à l'autre, mesurent leur droit à communiquer. Non, pas cela, et pas davantage le silence austère, la parole tacite des choses visibles, la retenue des invisibles. Ce qu'il avait voulu était tout autre, une interruption froide, la rupture du cercle. Et aussitôt cela était arrivé : le cœur cessant de battre, l'éternelle pulsion parlante s'arrêtant.
Maurice Blanchot, L'Entretien infini
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