Comme pour ceux de Socrate, il y a une (bonne) grâce, une élégance sereine et cavalière, presque une désinvolte, dans les adieux de Marc-Aurèle à la vie. Ce ton léger, presque allègre des sages antiques devant la mort, le christianisme l'a fait perdre pour longtemps à la philosophie latine. On ne le retrouve pas avant Montaigne, peut-être.
XXXVI.- O homme ! Tu as été citoyen de cette grande cité, que t'importe de l'avoir été cinq ans ou trois ans ! Ce qui est selon les lois est équitable pour tous. Qu'y a-t-il donc de terrible, si tu es renvoyé de la cité, non par un tyran ou par un juge inique, mais par la nature qui t'y a fait entrer ? C'est comme si le prêteur congédiait de la scène l'acteur qu'il avait engagé. - Mais je n'ai pas joué les cinq actes ; trois seulement. - Tu les as bien joués ; mais, dans la vie, trois actes font un drame tout entier. Celui qui, en effet, fixe le dénouement est celui-là même qui fut naguère la cause de ta composition et qui est aujourd'hui celle de ta dissolution. Pour toi, tu es irresponsable dans l'un et l'autre cas. Pars donc de bonne grâce, car celui qui te donne congé le fait de bonne grâce."
Marc-Aurèle : Pensées pour moi-même ; Livre XII.
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