"Par conséquent, si les superstitions "antiques" de Byzance sont si tenaces, c'est justement parce que les Byzantins les jugent issues de ces mêmes puissiances démoniaques qui fondent toutes les autres. Sans aucun paradoxe, on peut donc dire que c'est le Christianisme qui a conservé, parfois même ravivé, des conceptions et des pratiques qui auraient dû disparaître en même temps que l'édifice religieux antique. N'oublions pas, en effet, que toute pratique superstitieuse a pour prétention suprême d'être efficace, de satisfaire des désirs autrement impossibles à combler ; aussi le Chrétien n'aurait-il pu conserver la moindre trace des doctrines et des rites païens s'il avait pensé ne pouvoir atteindre, par leur intermédiaire, que des dieux auxquels il ne croyait plus, qui n'avaient donc pour lui aucun pouvoir utilisable. Au contraire, il ne pouvait qu'y puiser une confiance renouvelée, à partir du moment où on lui assurait que le Diable en devenait le véritable instigateur : le paganisme devenait une magie comme une autre, un autre moyen de se concilier la terrible efficacité démoniaque. En déniant tout fondement moral aux religions antiques, en les repoussant en bloc du côté des puissances du Mal, le Christianisme affirmait qu'elles étaient réellement opérantes pour qui accepterait de dévier par rapport à la vraie doctrine."
Alain Ducellier, Le drame de Byzance, idéal et échec d'une société chrétienne, V, "Les prestiges du diable : la sorcellerie."
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