L'invention la plus réussie d'A la croisée des mondes, tome 2 : La Tour des anges, ce sont les daemons. Parce qu'on en a presque tous eu un, enfants, ou souhaité en avoir un, ne serait-ce qu'en prêtant vie et propos à sa peluche préférée. Les passages les plus poignants de la trilogie qui, par ailleurs, ne déborde pas de bons sentiments, sont ceux qui mettent en scène les séparations terribles, même temporaires des humains et de leurs daemons. Le morceau le plus magnifique du livre est une mort de héros, ou faut-il dire de deux héros, Lee Scoresby et son daemon, Hester le brave aux yeux dorés ?
"Il s'ensuivit un long silence. Lee fouilla dans sa poche et trouva d'autres balles. Tandis qu'il rechargeait son fusil, il éprouva une sensation si rare, si forte, que son coeur faillit s'arrêter de battre ; il sentit Hester appuyer son visage contre le sien ! Il était humide de larmes.
- Lee, c'est ma faute.
- Pourquoi ?
- Le Skraeling. Je t'ai dit de voler sa bague. Sans elle, on ne serait pas dans cette situation.
- Tu crois que j'ai l'habitude d'écouter tes conseils ? J'ai pris cette bague parce que la sorcière...
Il n'eut pas le loisir d'achever sa phrase, car une autre balle venait de l'atteindre. Celle-ci s'enfonça dans sa cuisse gauche, et avant même qu'il puisse grimacer de douleur, une troisième balle frôla de nouveau sa tête, comme un fer chauffé à blanc que l'on aurait appuyé sur son crâne.
- Il n'y en a plus pour longtemps, Hester, murmura-t-il, en s'efforçant néanmoins de tenir bon.
- La sorcière, Lee ! Tu as parlé de la sorcière ! Tu te souviens ?
Pauvre Hester, il s'était couché sur le sol, il n'était plus accroupi aux aguets, toujours prêt à bondir, comme durant toute sa vie d'adulte. Ses magnifiques yeux noisette et or se ternissaient.
- Tu es toujours beau... Oh, Hester, tu as raison, la sorcière ! Elle m'a donné...
- Bien sûr ! La fleur...
- Dans ma poche de poitrine. Prends-la Hester, je ne peux plus bouger.
Ce fut un âpre combat, mais le daemon parvint à sortir la petite fleur violette avec ses dents et à la déposer près de la main droite de Lee. Au prix d'un effort surhumain, il la serra à l'intérieur de son poing, et dit :
- Serafina Pekkala ! Aide-moi, je t'en supplie...
Il perçut un mouvement en contrebas, alors il lâcha la fleur, épaula son fusil et tira. Le mouvement cessa.
Hester défaillait.
- Hester, ne pars pas avant moi, murmurait Lee.
- Allons, Lee, je ne pourrais supporter d'être séparé de toi pendant une seule seconde.
- Tu crois que la sorcière va venir ?
- Evidemment. On auraît dû l'appeler plus tôt.
- Il y a tellement de choses qu'on aurait dû faire.
- Oui, peut-être...
Il y eut une nouvelle détonation et, cette fois, la balle pénétra profondément en lui, à la recherche de son centre vital. "Elle ne le trouvera pas en moi, songea-t-il. Mon coeur, c'est Hester."
Deux balles plus tard :
"- Nous les avons repoussés, dit son daemon. Nous avons tenu bon. Nous avons aidé Lyra.
Hester le daemon-lièvre blottit son petit être fier et meurtri contre le visage de Lee, le plus près possible et, ensemble, ils moururent."
Je me souviens, qu'une fois ou deux, non, plutôt deux, alors que je me préparais au danger, quelque chose m'avait intriguée. Par delà la peur de la mort, et surtout bien pis que la mort, peur normale et qui allait passer au moment d'agir, il y avait un autre sentiment. Mentalement, j'avais tout accepté et, au fond, je m'en fichais un peu, comme toujours. Mais une part en moi, quelque chose en moi, presque quelqu'un, m'interpellait, me suppliait, me demandait ce que je lui avais fait pour l'amener dans une situation pareille. C'était curieux. Dans ces moments-là, le corps, tétanisé, raide, freine des quatre fers et dit non, alors que la tête dit oui. Je croyais que c'était mon corps qui suppliait, sauf que j'avais l'impression de faire du mal à un être plus petit que moi, plus émouvant et plus fragile, et de faire face à ses reproches, non pas vindicatifs, mais doux et tristes, comme un enfant résigné à me suivre. C'est une sensation qui m'a toujours intriguée. Maintenant que j'ai lu ça, je peux me dire que parfois, j'ai fichu la trouille à mon daemon, et pourtant j'ai avancé, en marmonnant, pas trop fière : "Je sais, mais je ne peux pas faire autrement, je dois y aller."
"Il s'ensuivit un long silence. Lee fouilla dans sa poche et trouva d'autres balles. Tandis qu'il rechargeait son fusil, il éprouva une sensation si rare, si forte, que son coeur faillit s'arrêter de battre ; il sentit Hester appuyer son visage contre le sien ! Il était humide de larmes.
- Lee, c'est ma faute.
- Pourquoi ?
- Le Skraeling. Je t'ai dit de voler sa bague. Sans elle, on ne serait pas dans cette situation.
- Tu crois que j'ai l'habitude d'écouter tes conseils ? J'ai pris cette bague parce que la sorcière...
Il n'eut pas le loisir d'achever sa phrase, car une autre balle venait de l'atteindre. Celle-ci s'enfonça dans sa cuisse gauche, et avant même qu'il puisse grimacer de douleur, une troisième balle frôla de nouveau sa tête, comme un fer chauffé à blanc que l'on aurait appuyé sur son crâne.
- Il n'y en a plus pour longtemps, Hester, murmura-t-il, en s'efforçant néanmoins de tenir bon.
- La sorcière, Lee ! Tu as parlé de la sorcière ! Tu te souviens ?
Pauvre Hester, il s'était couché sur le sol, il n'était plus accroupi aux aguets, toujours prêt à bondir, comme durant toute sa vie d'adulte. Ses magnifiques yeux noisette et or se ternissaient.
- Tu es toujours beau... Oh, Hester, tu as raison, la sorcière ! Elle m'a donné...
- Bien sûr ! La fleur...
- Dans ma poche de poitrine. Prends-la Hester, je ne peux plus bouger.
Ce fut un âpre combat, mais le daemon parvint à sortir la petite fleur violette avec ses dents et à la déposer près de la main droite de Lee. Au prix d'un effort surhumain, il la serra à l'intérieur de son poing, et dit :
- Serafina Pekkala ! Aide-moi, je t'en supplie...
Il perçut un mouvement en contrebas, alors il lâcha la fleur, épaula son fusil et tira. Le mouvement cessa.
Hester défaillait.
- Hester, ne pars pas avant moi, murmurait Lee.
- Allons, Lee, je ne pourrais supporter d'être séparé de toi pendant une seule seconde.
- Tu crois que la sorcière va venir ?
- Evidemment. On auraît dû l'appeler plus tôt.
- Il y a tellement de choses qu'on aurait dû faire.
- Oui, peut-être...
Il y eut une nouvelle détonation et, cette fois, la balle pénétra profondément en lui, à la recherche de son centre vital. "Elle ne le trouvera pas en moi, songea-t-il. Mon coeur, c'est Hester."
Deux balles plus tard :
"- Nous les avons repoussés, dit son daemon. Nous avons tenu bon. Nous avons aidé Lyra.
Hester le daemon-lièvre blottit son petit être fier et meurtri contre le visage de Lee, le plus près possible et, ensemble, ils moururent."
Je me souviens, qu'une fois ou deux, non, plutôt deux, alors que je me préparais au danger, quelque chose m'avait intriguée. Par delà la peur de la mort, et surtout bien pis que la mort, peur normale et qui allait passer au moment d'agir, il y avait un autre sentiment. Mentalement, j'avais tout accepté et, au fond, je m'en fichais un peu, comme toujours. Mais une part en moi, quelque chose en moi, presque quelqu'un, m'interpellait, me suppliait, me demandait ce que je lui avais fait pour l'amener dans une situation pareille. C'était curieux. Dans ces moments-là, le corps, tétanisé, raide, freine des quatre fers et dit non, alors que la tête dit oui. Je croyais que c'était mon corps qui suppliait, sauf que j'avais l'impression de faire du mal à un être plus petit que moi, plus émouvant et plus fragile, et de faire face à ses reproches, non pas vindicatifs, mais doux et tristes, comme un enfant résigné à me suivre. C'est une sensation qui m'a toujours intriguée. Maintenant que j'ai lu ça, je peux me dire que parfois, j'ai fichu la trouille à mon daemon, et pourtant j'ai avancé, en marmonnant, pas trop fière : "Je sais, mais je ne peux pas faire autrement, je dois y aller."
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