"Bientôt les limites de sa conscience se mirent à fluctuer, comme les papillons voletant dans les herbes. Au-delà de ces limites s'étendaient un profond abîme. De temps en temps, sa conscience venait survoler ce gouffre obscur. Mais Nakata n'avait pas peur de ces ténèbres, de ces profondeurs. Pourquoi aurait-il craint ce monde d'obscurité sans fond, ce chaos, ce silence épais, qui étaient ses alliés depuis bien longtemps et avaient fini par devenir une partie de lui-même ? Dans ce monde-là, il n'y avait pas d'écriture, pas de jours de la semaine, pas de préfet, pas d'opéra, pas de BMW. Pas de ciseaux non plus, pas de chapeau tout en hauteur. Il n'y avait pas d'anguilles, ni de petits pains fourrés aux haricots rouges. Il y avait tout. Mais il n'y avait pas de parties. Et comme il n'y avait pas de parties, on n'avait pas besoin de remplacer une chose par une autre. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce n'était pas la peine de penser à des choses compliquées, il suffisait de se laisser flotter dans ce tout. Et Nakata ne pouvait que savourer ces moments avec gratitude."
Haruki Murakami, Kafka sur le rivage.
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