"Sarah Bernhardt avait joué en travesti le rôle de Roméo et quand, dans la scène du balcon, ce dialogue de deux enfants portés par les ailes de l'amour et se séduisant l'un l'autre, Sarah s'était approchée de l'échelle de soie qui pendait de la fenêtre de Juliette en traversant dans toute sa largeur le plateau de son grand théâtre, non comme un amant ivre qui pose le pied sur le prmeier échelon et va grimper insensiblement, en extase, séducteur séduit, mais comme un serpent, une larve rampante, roulant par à-coups dans son fauteuil d'infirme dont elle faisait aller les roues caoutchoutées des deux mains et que la Bernhardt s'était levée en s'appuyant péniblement sur une canne, sa jambe unique et maigre de vieillarde tremblant visiblement dans son maillot de justaucorps et sa culotte bouffante de page, cette scène sophistiquée avait été un triomphe avec cris, hystérie, rappels, applaudissements inextinguibles du Tout-Paris, un public de snobs, de nouveaux riches tarés, de généraux vainqueurs, de ministres et de diplomates alliés délégués à la signature du traité de Versailles.
Je n'avais pas voulu accompagner Jean Cocteau au théâtre car ce spectacle m'eût été horrible. C'était au lendemain de l'autre guerre. J'avais vu trop de soldats, de la véritable jeunesse, l'avenir de la France, souffrir sans rien dire, oubliés sur les lits de sangle des hôpitaux militaires et n'osant aller à se présenter à leurs fiancées, des gueules cassées, des aveugles de guerre, des gazés, des tuberculeux, des amputés du bras ou des jambes, des trépanés, des cinglés, et, moi-même, je sortais à peine de l'hosto..."
"Et, aujourd'hui, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la suite de ce complexe, de ce malentendu, de ce snobisme, c'est l'Existentialisme, au théâtre et en philosophie, Sartre et tous ces jeunes littérateurs littératurants qui se trémoussent dans les caves de Saint-Germain-des-Prés, qui se situent à la pointe de l'extrême avant-garde de l'exégèse poétique et qui plongent à rebours et font carrière dans le conformisme, qui ne peuvent vivre qu'en groupe, qu'en bande, à la queue d'un chef d'école car le bifteck prime... "A nous la liberté !"
Je n'avais pas voulu accompagner Jean Cocteau au théâtre car ce spectacle m'eût été horrible. C'était au lendemain de l'autre guerre. J'avais vu trop de soldats, de la véritable jeunesse, l'avenir de la France, souffrir sans rien dire, oubliés sur les lits de sangle des hôpitaux militaires et n'osant aller à se présenter à leurs fiancées, des gueules cassées, des aveugles de guerre, des gazés, des tuberculeux, des amputés du bras ou des jambes, des trépanés, des cinglés, et, moi-même, je sortais à peine de l'hosto..."
"Et, aujourd'hui, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la suite de ce complexe, de ce malentendu, de ce snobisme, c'est l'Existentialisme, au théâtre et en philosophie, Sartre et tous ces jeunes littérateurs littératurants qui se trémoussent dans les caves de Saint-Germain-des-Prés, qui se situent à la pointe de l'extrême avant-garde de l'exégèse poétique et qui plongent à rebours et font carrière dans le conformisme, qui ne peuvent vivre qu'en groupe, qu'en bande, à la queue d'un chef d'école car le bifteck prime... "A nous la liberté !"
Dans cette détresse et cet ennui,
Personne à qui serrer la main...
Personne à qui serrer la main...
dit le grand poète Nékrassov, qui s'est suicidé par ennui selon la tradition des poètes russes ou s'en est allé de la poitrine, et le vagabond Maxime l'Amer (Maxime Gorki) de commenter : "... personne à qui casser la gueule !..."
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