"Je sais - le sais-je - que celui que visaient déjà les Allemands, n'attendant plus que l'ordre final, éprouva alors un sentiment de légèreté extraordinaire, une sorte de béatitude (rien d'heureux cependant), - allégresse souveraine ? La rencontre de la mort et de la mort ?
A sa place, je ne chercherai pas à analyser ce sentiment de légèreté. Il était peut-être tout à coup invincible. Peut-être l'extase. Plutôt le sentiment de compassion pour l'humanité souffrante, le bonheur de n'être pas immortel ni éternel. Désormais, il fut lié à la mort, par une amitié subreptice. "
L'Instant de ma mort, Maurice Blanchot.
Hasard des livres et des rencontres avec les livres. Quand Solange m'a recommandé de lire ce récit, je ne me doutais pas que j'allais me cogner enfin sur le sentiment qui est tout de même un des moteurs de ma vie, cet émoi secret avec qui j'ai eu quelques rendez-vous, ce visage de la mort que je n'ai jamais approché d'aussi près que lui, mais qui tout de même m'a souri parfois comme une promesse lointaine. "Allégresse souveraine", je me croyais folle d'éprouver cela, "peut-être l'extase", et je croyais être la seule aussi. ça me conforte de voir que non, je ne suis pas la seule, qu'il y a là une joie réelle, un éclair lucide, allegretto, allegretto...
Jusqu'ici il n'y avait eu que le pauvre Guillaume à enchérir là-dessus :
"Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour Ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieilliras point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleurs plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t-en aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclantante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
O mon unique amour et ma grande folie
30 janvier 1915. Nîmes.
L a nuit descend
O n y pressent
U n long un long destin de sang"
Ce que j'ai souligné est ce qui pour moi rejoint l'idée que se sacrifier, c'est vouloir se faire l'égale des dieux.
A sa place, je ne chercherai pas à analyser ce sentiment de légèreté. Il était peut-être tout à coup invincible. Peut-être l'extase. Plutôt le sentiment de compassion pour l'humanité souffrante, le bonheur de n'être pas immortel ni éternel. Désormais, il fut lié à la mort, par une amitié subreptice. "
L'Instant de ma mort, Maurice Blanchot.
Hasard des livres et des rencontres avec les livres. Quand Solange m'a recommandé de lire ce récit, je ne me doutais pas que j'allais me cogner enfin sur le sentiment qui est tout de même un des moteurs de ma vie, cet émoi secret avec qui j'ai eu quelques rendez-vous, ce visage de la mort que je n'ai jamais approché d'aussi près que lui, mais qui tout de même m'a souri parfois comme une promesse lointaine. "Allégresse souveraine", je me croyais folle d'éprouver cela, "peut-être l'extase", et je croyais être la seule aussi. ça me conforte de voir que non, je ne suis pas la seule, qu'il y a là une joie réelle, un éclair lucide, allegretto, allegretto...
Jusqu'ici il n'y avait eu que le pauvre Guillaume à enchérir là-dessus :
"Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour Ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieilliras point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleurs plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t-en aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclantante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
O mon unique amour et ma grande folie
30 janvier 1915. Nîmes.
L a nuit descend
O n y pressent
U n long un long destin de sang"
Ce que j'ai souligné est ce qui pour moi rejoint l'idée que se sacrifier, c'est vouloir se faire l'égale des dieux.