lundi 28 juin 2004




Le deuxième mouvement de la symphonie n°4 de Tchaïkovsky. Toujours lié dans ma mémoire au dexième tome des Chemins de la Liberté de Sartre. Parce que je le lisais en écoutant pour la première fois cette symphonie. Et que ce 2° mouvement a commencé en lisant l'exode des tubards plâtrés dans le wagon-fourgon, quand un couple "fait l'amour" en tendant les bras et en s'effleurant le visage mutuellement. Je ne savais pas que je découvrirai moi aussi, plus tard, les amours distants, mais j'avais 18 ans et l'intution que la vie ça pouvait être aussi fabuleux et difficile que ça.

samedi 19 juin 2004


Jeudi 11 décembre

Le fond de mon âme est d'une tristesse sans remède, c'est un paysage brûlé où des êtres solitaires se croisent et se regardent sans se voir et ne peuvent pas s'aimer, parce que leurs yeux et leur coeur se sont donnés pour jamais à un visage unique, un visage disparu qu'ils ne reverront plus. J'ai toujours tiré ma force de ce désespoir, "jamais plus" est le cri de mon coeur, mais je ne sais quel écho le transfigure, et quand il me revient aux oreilles j'entends : "Tout m'est possible !"


mercredi 16 juin 2004

Bloomsday. Centenaire, même. Rien à dire dessus, sauf que j'avais très mal au crâne ce matin. A cause du Ricard, je soupçonne. Du coup ce soir ce sera whisky, non mais !

lundi 14 juin 2004

Le concerto Empereur et son premier mouvement, par l'orchestre. Chez Beethoven, il y a souvent ça, ces notes virulentes, tonitruantes presque et puis soudain on baisse le ton, et c'est la surprise de quelques mesures chuchotées comme une confidence.

lundi 7 juin 2004

Quadrige fugitif
Que vienne la Grande Ourse d'été
et tournent les sphères

dimanche 6 juin 2004


"Je ne sais trop pourquoi, c'est se nourrir de façon saine et vertueuse qui me paraît être immoral. Je préfère les excès, la démesure, la ripaille, la saoulerie. Il y a, dans la ripaille, une gratuité, une liberté ; on ne mange pas pour vivre ; on mange pour que ça craque, pour que cela éclate ; une façon de se tuer."


samedi 5 juin 2004


"Tous les auteurs engagés veulent vous violer, c'est-à-dire vous convaincre, vous recruter.

Lorsqu'un tel me montre, au théâtre, des policiers qui tirent sur des ouvriers exploités, il le fait pour que je devienne, magiquement, l'ouvrier, pour que je participe à sa douleur, pour que je me range à ses côtés, pour que je m'identifie à lui.

Il n'y a pas si longtemps, on montrait au théâtre comment les juifs corrompaient la civilisation par leurs idées subversives, démoralisantes, par l'argent, etc., etc., on voulait que le spectateur s'identifiât au personnage nazi, tueur des juifs.

Lorsque, maintenant, parce que c'est facile, parce que personne ne s'y oppose, parce que ce n'était pas permis d'être contre les fascistes autrefois et que maintenant c'est permis et recommandé, lorsque que je vois, au théâtre, comment les nazis massacraient les enfnats, les femmes, les vieillards juifs, je me révolte, évidemment je veux punir, je suis le juif.

(On ne nous montre pas, cela ne se fait pas, comment les Algériens crevaient les yeux des enfants français ; on ne nous montre pas au théâtre comment les Chinois massacrent les Tibétains, cela ne se fait pas non plus.)

Ainsi de suite ou, moins grave : on s'identifie à la femme du mari tyran lorsqu'on nous montre un mari tyran ; on s'identifie au mari, lorsqu'on nous montre comment la femme a tous els défauts.

Chaque auteur dit objectif, ou juste, plein de raison, réaliste, a un méchant à châtier, un bon à récompenser. C'est pour cela que toute oeuvre réaliste ou engagée n'est que mélodrame.

Mais si, au lieu de parler du méchant soudard allemand ou japonais ou russe ou français ou américain, ou du méchant bourgeois ou de la pétroleuse criminelle ou du hideux militariste ou du soldat traêtre et déserteur, etc., si, au lieu de tout cela, je déshabille l'homme de l'inhumanité de sa classe, de sa race, de sa condition bourgeoise ou autre ;

lorsque, derrière moi, je parle de ce qui est intimement moi, dans ma peur, dans mes désirs, dans mon angoisse, dans ma joie d'être ; ou lorsque je donne libre cours à l'imagination déchaînée, à la construction imaginative, je ne suis pas seulement moi, je ne suis pas seulement un partisan, je ne suis plus avec celui-ci contre celui-là, je ne suis plus celui-là contre celui-ci, je ne suis plus seulement moi mais je suis tous les autres dans ce qu'ils ont d'humain, je ne suis plus le méchant, je ne suis plus le bon, je ne suis plus bourgeois, je n'appartiens plus à telle classe, à telle race, à cette armée-ci ou à cette armée-là.

- Mais je suis bien l'homme dépouillé de tout ce qui est en lui mentalité partisane, séparation, déshumanisation, home aliéné par le choix ou le parti, et je ne hais plus les autres. C'est là le lieu de l'identification profonde, c'est là le moyen d'y parvenir."


Journal en miettes

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.