Lire les vies d'Aby Warburg, de Jacob Burckhardt, de Niezsche, et tant d'autres, fait se remémorer à quel haut degré de culture et d'intelligence dans les sciences humaines (une intelligence solaire, tendue vers l'Italie et la Grèce) était parvenu, à la fin du XIX° et jusqu'en 1933, le monde "germanique" au sens large. Après la France de l'époque classique (peut-être anéantie plus par Napoléon que par la Révolution), l'Allemagne est vraiment devenue la capitale de l'Europe. Tout cela pour finir ou être "perverti" par le nazisme, qui saigna l'Allemagne de ses juifs et donc d'une bonne partie de ses intellectuels et artistes, d'où l'abandon radical de toute référence allemande chez Jankélévitch, en raison de ce qui, dans la culture allemande, avait pu mener à la Shoah.
Il n'y a plus d' Europe et elle est peut-être morte avec l'Allemagne, comme l'avait vu Visconti dans sa trilogie (tétralogie) allemande, Les Damnés, Mort à Venise, Ludwig, et l'avortée Montagne magique, où, à chaque fois l'effondrement ou la décomposition de l'Allemagne humaniste est figurée par la faillite de la musique : le renoncement que l'on peut supposer de Gunther Von Essenbeck au violoncelle et à ses études pour embrasser le nazisme (après que sur la scène, le numéro de Martin ait succédé à son interprétation d'une des suites de Bach), la perdition morale et la mort d'Aschenbach, la chute de Louis II et de son rêve wagnérien ( et peut-être dans le quatrième volet, le phonographe du sanatorium aurait-il joué un rôle).
Entre Nietzsche et Warburg c'est la folie qui sonne la décomposition d'un monde, même "effondrement complet", et, entre eux, recevant d'abord, affolé, les lettres de Nieztsche envoyées de Turin, le pauvre Burckhart dont Warburg poursuit "la voie. Coïncidence aussi signalée par Didi-Huberman : "Nietzsche, à son retour de Turin, fut soigné par le grand psychiatre Otto Ludiwg Biswanger, oncle de celui qui, entre 1921 et 1924, aura consacré ses propres efforts thérapeuthiques à l'égard du génial historien de l'art en "état d'effondrement complet".
Après "l'effondrement complet" de l'Allemagne qui a entraîné aussi le discrédit de tout ce dont s'enorgueillissait l'Europe et son "haut degré" de civilisation, plus rien ne lui a succédé. Il n'y a plus de "culture européenne", hormis la culpabilité post-Shoah et post-colonialiste, qui aboutit à une posture paradoxale (du moins à l'Ouest) qui peut se résumer par : "Nous sommes contre la guerre et contre l'islamisme qui nous a déclaré la guerre." Dans le même ordre d'idée, l'insistance sur les crimes de l'islam (génocidaire de femmes) ou d'Israël (génocidaire de Palestiniens) est une façon de projeter ses fautes sur ceux qui n'étaient pas à Auschwitz (hormis par le curieux terme "musulman" pour signifier un déporté en fin de vie) "mais qui auraient pu y être bourreaux car l'islam vaut bien le nazisme" ou sur "les fils de ceux qui y étaient mais ne font pas mieux que les bourreaux, au final". Il n'y a plus de dieux ni de civilisation ici, juste des fantômes et la honte.
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