dimanche 17 avril 2005

Les Choristes



Vu Les Choristes. Je comprends que ce film ait fasciné tant de gens si l'on met ça en lien avec les réactions de masse qui ont suivi la mort du pape et irrité les anti-cléricaux convaincus. Car ce film est fondamentalement chrétien. C'est un film sur la rédemption. Mais pas la rédemption fondée sur la souffrance, l'expiation, etc. Non, c'est très janséniste comme film, tout est une histoire de Grâce, la rédemption par la Grâce, celle qui change le mauvais ange en Angèlos messager, les ténèbres en lumières parce que le doigt de Dieu te tombe dessus : celle du don, exceptionnel et immérité d'une belle voix, mais aussi de celle qui change une âme perdue en enfant de Dieu, le côté "miracle de la conversion"... Et le facteur déclenchant de ces conversions ? Les trois vertus théologales : la Foi, l'Espérance, la Charité. Mais qui agissent dans l'ordre inverse dans le film : d'abord la Charité (que tout le monde aujourd'hui s'imagine comme un sentiment indigne, une supériorité méprisante, alors que Caritas vient de Carus, Cher, Chéri, c'est-à-dire amour, et c'est bien un trop-plein d'amour que le surveillant déverse sur ces gosses), l'Espérance, pas besoin de faire un dessin, d'ailleurs dans La Nuit, Rameau renchérit, la Foi : le père de Pépinot vient bien le chercher un samedi non ?

Les Choristes est une belle fable, d'une simplicité fraîche et médiévale. Tout est peint, tout est symbole accessible, tout est en couleurs et en noms de bon ou mauvaise augure : Le mauvais ange Morhange, l'ange du Mal beau comme Lucifer finit en ange, Angèlos, d'ailleurs il est par avance blond aux yeux bleus, et Mondain, le méchant méchant de n'être ni cru ni aimé est roux comme le diable, sauf qu'il n'est pas le méchant, seulement roux comme le feu du châtiment, c'est finalement l'ange exterminateur, et le noir Judas c'est Corbin noir comme corbeau, sauf qu'il est pardonné tiens. Quant à Mathieu Clément, là aussi, comme dans les fabiaux, le nom ne ment pas, il est clément et évangéliste, apportant la bonne nouvelle.

Donc ce film frais, gentil et doux, qu'il ait remporté une telle émotion n'est pas surprenant : l'Europe est malade d'espérance et de peur, malade de manque d'amour. Le monde entier, peut-être, suspendu au même instant, aux pages d'un évangéliaire tourné par le vent, devant le cadavre d'un vieil homme qui en d'autres temps n'aurait pas suscité un haussement d'épaules. Finalement, le christianisme se porte encore bien. En tous cas il a imprimé ses valeurs, pour le meilleur et pour le pire, sur une Europe perdue qui se réveille mal du cauchemar d'Auschwitz, de Katyn, de la Kolyma. Du coup, au moindre rappel, les populations qu'on a bien soigneusement libéré mentalement du joug chrétien fondent en larmes et se mettent à genoux. Tout ça me rappelle l'anecdote racontée par Matzneff, ce commissaire des Soviets venu expliquer aux moujiks l'inanité de la religion, et parlant d'abondance une heure, deux heures, avec toute la rhétorique imparable du socialisme, et puis à la fin, après ce discours fleuve contre lequel les paysans soumis ne s'élèvent pas, comment contredire ce monsieur de la ville, ce cadre aux belles paroles demande si quelqu'un veutparler, et un des paysans se lève et prend la parole, se tournant vers l'assemblée, et dit ces paroles de Pâques : En vérité, le Christ est vivant, il est ressuscité" et alors toute l'assemblée incurable de répondre : "En vérité, il est ressuscité."

C'est pour ça que le succès des Choristes est imparable, comme celui d'Amélie Poulain, il parle simplement des 3 vertus théologales à une Europe malade d'esseulement et de crainte : Foi, Espérance, Charité. Et les beaux esprits de s'offusquer.

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.