"Abdâl (sing. badal) est le nom qui est généralement donné aux saints inconnus, dont la présence est nécessaire pour le maintien de la vie sur la terre. Ils constituent une hiérarchie cachée et permanente, ayant à sa tête "le Pôle" (al-Qutb), et dont chaque membre est immédiatement remplacé à sa mort (cf. M. Chodkiewicz, Le Sceau des Saints, pp. 116-127). Le mot est d'origine traditionnelle, et l'on trouvera dans le Kanz al-'ummâl d'al-Muttaqî (V, pp. 332-334) 20 hadîths le mentionnant, et selon lesquels le nombre des abdâl est de 30 ou 40. Avec Ibn 'Arabî les données concernant les membres de la hiérarchie cachée des saints, leur nombre, leurs fonctions, se préciseront. Chez un auteur comme Abû Tâlib Makkî (mort en 996), l'emploi du mot abdâl reste encore incertain et fluctuant ; il est mentionné en 18 passages différents du Qût al-qulûb, avec des significations diverses : il y a des abdâl des justes (siddîqûn), des prophètes (anbiyâ'), des envoyés divins (mursalûn), des serviteurs parfaits (sâlihûn) (III, pp. 58, 83, 99) ; les abdâl, selon Sahl al-Tustarî, pratiquent le jeûne (ikhmâs al-butun, "l'amaigrissement du ventre"), le silence, la veille, et la retraite (I, pp. 142, 145), et c'est en ce sens qu'Ibn Arabî rédigera son petit traité sur La Parure des Abdâl (traduit par Michel Vâlsan in Etudes traditionnelles, 1950) ; le nombre des abdâl est de 30 ou 40, et celui des awtâd "piliers" est de 7 (III, p. 115) ; il y avait 313 abdâl parmi les combattants de Badr (ibidem). A l'époque où Dhû-l-Nûn a écrit ou dicté son texte sur eux, il semblerait qu'on les assimilait aux awliyâ' al-Rahmân ("les amis du Miséricordieux"), car l'on retrouve dans un texte qu'il a consacré à ces derniers les mêmes thèmes essentiels et les mêmes séquences. Il est cité, d'après Yûsuf ibn al-Husayn, par Khatîb Baghdadî (Ta'rîkh Baghdâd, VIII, pp. 394-395) et par Ibn Asâkir (Ta'rîkh Dimachq, Tahdhîb, V, 275) en réponse au calife al-Mutawakkil demandant à Dhû-l-Nûn de lui faire la description des awliyâ Allâh ("les amis de Dieu"). Au chapitre 7 de son hagiographie, intitulée al-futuwwa (la chevalerie spirituelle), Ibn 'Arabî reproduit un autre texte, plus complet que celui sur les abdâl et celui sur "les amis de Dieu", en réponse au calife qui désirait que Dhû-l-Nûn lui parlât des "ascètes" (zuhhâd), et là encore l'on retrouve en des termes identiques l'essentiel des autres textes."
Roger Deladrière : Préface à La vie merveilleuse de Dhû-l-Nûn l'Egyptien / Ibn'Arabî \; trad. de l'arabe, présenté et annoté par Roger Deladrière par Ibn 'Arabî.
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