mercredi 17 septembre 2008

Pour une éthique de la nuance


Ahmad al-Tirmidhî, dans son Livre des nuances, "invite à réaliser que la cause la plus importante de déséquilibre potentiel dans les relations humaines résulte du non respect des nuances à tous les niveaux, en particulier celui des jugements portés à partir des actes ou des attitudes des autres, sur ce qui constitue le fond de leur personnalité et l'essence de leur être. Le tout premier effort de discernement doit s'appliquer, dans cette optique, à la perception de cet "autre", composé, tout comme celui qui l'examine, d'une âme ou "moi" qui, en raison de sa tendance naturelle à l'égocentrisme, incite au mal et d'un coeur qui appelle au bien. De ce fait, traiter quelqu'un a priori comme une entité monolithique, c'est blesser gravement son coeur, alors que seul son moi égoïste est responsable des actes néfastes qu'il peut commettre. Tirmidhî ajoute que, même au cas où l'on s'aperçoit que, chez quelqu'un, ce moi domine totalement le coeur, il convient de toujours conserver à son égard une atttitude empreinte de miséricorde, sorte de bénéfice du doute à l'avantage de ce coeur dont nul, hormis Celui qui l'a créé, ne connaît le secret ultime. Dans cette perspective, les hommes ne peuvent espérer comprendre leurs semblables qu'à travers les actes qu'ils posent : "Les actes sont apparents. Or, ce qui est apparent dépend de ce qui est à l'intérieur." Par conséquent, le deuxième conseil du Livre des nuances consiste en une incitation à se montrer prudent au cours de cette observation, dans la mesure où deux actes totalement identiques en apparence peuvent renvoyer à des buts, des intentions et, plus profondément, à des motivations radicalement opposées."


Geneviève Gobillot : Introduction au Livre des nuances ou de l'impossibilité de la synonymie (Kitâb al-furûq wa man' al-taradûf), Al-Hakîm al-Tirmidhî.

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.