samedi 31 décembre 2011


Ai trouvé du gingembre africain, l'indien de Dubaï étant fini. Plus piquant d'arôme, très parfumé.

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Je sens venir la grande histoire d'amour avec mon kindle. Comme lorsque j'ai vu pour la première fois ce qu'était l'Internet, ou quand j'ai eu mon MacBook entre les mains, le coup de foudre et la certitude qu'on ne va plus se quitter, Ce vertige du bonheur à avoir soudain réalisé mon rêve d'enfant : pouvoir entrer dans la pièce qui renfermerait tous les livres du monde et les avoir à portée, pour toujours. 


J'ai téléchargé en premier achat A Dance with Dragons, très bon pour le moment.  J'ai hâte que Tyrion rencontre Daenerys : la nunuche devant le singe malin.


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Noël un peu crevant, passé une bonne partie du réveillon aux fourneaux, à faire flamber des tournedos. Le lendemain, repas nonchalant, plus lent, entre cassolettes de langoustines et omble chevalier.

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Vu le premier film de Narnia, pas fameux. Vu Océans, Ça se laisse regarder sans ennui, comme on rêvasse devant un aquarium. Paranoid Park, que j'ai autant aimé qu'Elephant. Gus Van Sant sait bien choisir ses acteurs, décidément. Le garçon a des yeux d'ange.



samedi 19 novembre 2011


Je possède maintenant l'intégrale des cantates religieuses de Bach par Harnoncourt et Leonhardt. Boucle bouclée. Ce qui est curieux, c'est que plus je m'attache à Bach, plus je me désintéresse de beaucoup de musiques anciennes et baroques que j'avais aimées avant… Harnoncourt et Leonhardt écrasant Christie.

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Une Séparation, d'Asghar Farhadi. Au début, cela m'ennuie. Et puis, comme pour À propos d'Elly, l'histoire finit par m'accrocher. Comme dans Elly, tous les personnages sont équitablement pitoyables ou crispants, à leurs moments.

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Et voilà : le docteur Jivago est mort. Maintenant, je relis La Conscience de Zéno, livre toujours associé, dans ma mémoire, à la chambre d'hôtel de Sivas où je l'avais lu pour la première fois.

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Filet de porc à la cévenole : olives vertes, vin blanc et marrons.

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Journée 'J'attends le Plombier', puisque ma chaudière fait sa crise cardiaque annuelle. L'année dernière, c'était très exactement le 28 novembre au soir, vêpres de l'Avent. Cette fois, elle est en avance sur l'année liturgique. Le plus drôle est la tête du plombier quand, me demandant la date de la dernière panne, j'ai pu lui donner exactement les jours et heures de la panne et de ses multiples interventions. Les archives redoutables des diaristes…

En attendant, à devoir chauffer de l'eau pour tout, j'ai l'impression de squatter la maison des Ingalls.


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Gosse, me fascinait le coutelas de Rahan. Non pas comme une arme, mais quand, à la fin, il le faisait tourner sur une pierre et choisissait de partir dans la direction pointée. Me paraissait merveilleux ce chemin donné par le hasard, et surtout, sans lui, comment prendre une direction plutôt qu'une autre, alors que tous les choix possibles s'offrent, affolants ? 

Est-ce que certaines choses sont écrites, certaines trajectoires tirées d'avance, ou est-ce qu'à chaque pas, nous avons le choix ? Qu'est-ce qui est écrit, qu'est-ce qui ne l'est pas ? Qu'est-ce qui est voulu, qu'est-ce qui ne l'est pas ? Et comment discerner, comment reconnaître la trajectoire essentielle des méandres mineures ? 

À quoi cela sert-il de dire : "Que Ta volonté soit faite" si, à tout moment, nous sommes libres ? Veux-Tu que je veuille ce que Tu veux, mais sans me le dire _ auquel cas ce ne serait qu'un désir de Ta part, que je satisferais sans le savoir ? _ et ainsi me donnant librement ; sinon, sachant ce que Toi, Tu veux, j'opterais uniquement en me disant que c'est ça, ce qu'il faut faire, bon gré mal gré. 

Comment faire Ta volonté en restant libre, si ce n'est en ignorant quelle est Ta volonté ? C'est peut-être pour cela que Tu n'aimes pas qu'on T'en demande, des signes : on se fait traiter d'engeance de vipère et autres noms charmants…  Et cela vient peut-être de là, cette histoire de fruit maudit, d'omniscience funeste à dérober. Il y a des connaissances qui emprisonnent.

Je n'ai jamais cessé d'utiliser, avec un jeu ou un autre, le couteau d'ivoire, car je voudrais tellement apprendre à voir, à sentir le vent… et au moment où je saurai tout, sans faute, j'aurais peut-être perdu le libre don.



samedi 5 novembre 2011


Reçu enfin le Théâtre de Maurice Boissard

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Thérèse d'Avila est morte dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582. Toujours ce côté m'as-tu vue, chez elle.


'Le Hibou et la baleine', Patricia Plattner

 Toussaint passée à lire Bouvier, Le Vide et le plein, et Léautaud. 

 'Il y a de très beaux arbres à Kyoto, mais ils vous laissent vous débrouiller tout seul' 
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 C'est tout de même plus drôle d'être amoureux que d'être informé, ne trouvez-vous pas ? Un homme averti en vaut deux ? mais il ne vaudra jamais le quart d'une dupe amoureuse de la vie. Moi je connais bien cela, et quand la vie me lâche, cette espèce d'hôpital que devient la mienne, ce goût de bile, ces chambres vides. Alors je m'arc-boute, je contre, je m'obstine, je me fais mauvais, dur, tranchant et cette espèce d'eczéma encore qui me mange la figure. Bon signe, ça ! Signe que ça bascule.  
Je verrais très bien une incantation magique commencer par ces deux mots : affûte, aiguise.  
un rituel du fil et de la lame 
un million de coups d'aiguisoir et 
l'ombre se retire, tranchée et je grave une fois de plus sur 
le manche 
l'encoche d'une victoire secrète 

On ne peut pas non plus s'incarner toujours, alors quand on n'est pas chair, qu'on soit au moins couteau. Le Diable est un émousseur. "
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Un tort peut-être dans mon attitude : les gens viennent à moi – c'est la coutume, et aussi la curiosité –, je les accueille bien, cela dure un moment et puis une sorte de lassitude se lève, le rideau tombe et je les renvoie. Plutôt, je ne les renvoie pas : ils sont encore autour de ma table et parlent, mais mentalement ils sont congédiés et je me dis : "Encore une fois, ceux-là ne sont pas pour moi." Ramasser ce qui est pour moi, et cela seulement. C'est peu mais c'est pour moi. Voilà pourquoi je voyage."  

Il y a tellement de traits de caractère que j'ai en commun avec Bouvier que je me demande si ce ne sont pas, au fond, quelques constantes de voyageurs. Mais les acquiert-on en voyageant ou bien devient-on voyageur en raison d'eux ?

 "Lorsqu'on a vraiment un but, les jours ne se ressemblent pas. Il n'y a plus de quotidien, plus rien qu'une immense trajectoire tendue. Ainsi sont les saints. Et la notion même du quotidien, dans cette perspective, au lieu d'évoquer la vie machinale, n'exprime plus que la périodicité de vastes rotations qui font progresser dans une direction choisie, de la même façon que le temps cyclique des saisons se combine au sens linéaire de la vie." 

Tomber là dessus… et me dire, en souriant, que je suis née du bois dont on fait les saints. Il n'est pas dit que je le devienne, mais au moins je saurais pourquoi cette crainte, toujours, jamais de 'mal finir', mais de n'avoir jamais 'commencé'.

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 Poulet, riz, roux blanc à la crème et au curry.

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Dans Lost, 'Sayyid' prononcé par des 'Arabes' qui s'essaient à l'accent local (tel qu'on le suppose aux US), devient Sa'id et même Sahid.  

Curieusement, de tous, celui qui, jusqu'ici, se comporte le plus sagement et le plus rationnellement, sans céder à son émotivité, crise d'ego, étroitesse d'esprit et tout, c'est Locke. De tous, c'est le seul qui me semble donc rationnel, raisonnable. Peut-être est-ce mon côté alien, mais vivre dans un monde où la norme humaine serait Locke me reposerait bien de la vie. 

Jack est de plus en plus agaçant, id. Charlie. Sawyer est de plus en plus sympathique. Michaël est un parfait connard et je me demande s'il arrivera un jour à dire autre chose que 'My booy ! My sooon !' sur le ton de qui réclame ses pantoufles et son journal. 

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Je commence le Journal de Stendhal. Il ne parle presque que de théâtre et moins drôlement que Maurice Boissard. Très chiant, je laisse tomber. À la place, je me délecte avec Tallemant des Réaux. Les romantiques, c'est toujours trop pleurards. Vive le Grand Siècle.

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Je me régale avec Éric Malpass et les Pentecost, dont je n'avais lu que les trois premiers, en traduction.

lundi 31 octobre 2011

C'est mieux que ce qu'on attendait et c'est aussi, d'une autre manière, exactement ce qu'on attendait


Nicolas Bouvier a peut-être trouvé là une bonne règle pour détecter le mal, ou une bonne boussole : l'ennui, la répétition. Admettons qu'il y ait bonheur dans le crime, ce ne sera pas long, car il n'y aura jamais rien de neuf :

L'invention dans le bien dispose d'un éventail beaucoup plus large que l'invention dans le mal – voir l'insupportable monotonie de Sade (son côté prévisible), l'Histoire d'O qui ne parvient pas à rebondir, le côté scolaire et pion des grands malfaiteurs, sacrilèges, Gilles de Rais, etc., gens si laborieux dans leurs vilenies. Lorsqu'on a violé une femme – nonne ou vestale de préférence – de toutes les façons possibles, ou célébré par dérision une messe sur l'étal d'un boucher devant des abatis de porc, que peut-on bien faire de plus ? On peut toujours encore brûler un feu rouge.

Et d'opposer à Sade ou Gilles de Rais les 'Attar ou Rûmî ("qui était turc" autant que moi, mais peu importe). Ainsi, peut-on distinguer le blasphème (mécanique, aux ficelles usées, prévisible), de l'irrévérence dansante des derviches, ou du koan zen, tout en invention, paradoxes jaillissant en étincelles pour la pensée, 

"Jetez par contre un coup d'œil aux "questions et réponses" de mystiques iraniens comme Attar le Parfumeur ou Djalâl al-Dîn Rûmî – qui était turc –, on est partagé entre la surprise émerveillée et un sentiment de connivence profonde ; cela touche au centre de vous-même le mille d'une cible dont on ignorait l'existence. C'est mieux que ce qu'on attendait et c'est aussi, d'une autre manière, exactement ce qu'on attendait. Prenez encore ces apologues et ces anecdotes qui fourmillent dans la patristique, dans l'histoire de la Thébaïde, dans celle des mystiques grecs des premiers siècles avant le schisme : on les touche et cela résonne interminablement."
Pour un voyageur, c'est sans doute une vaccination, une allergie contre le mal : la monotonie, plus forte que tous les impératifs moraux. Cette capacité à émerveiller toujours, voilà le contraire du mal. Ce qui donne un indice pour vérifier, à chaque fois, que la vertu n'a pas tourné à l'aigre (il en faut toujours de peu) : le bien que j'aime ou que je fais, est-il toujours étonnant, saisissant, surprenant, vivifiant ? M'en apprend-il sur moi-même tout en me comblant ? "C'est mieux que ce qu'on attendait et c'est aussi, d'une autre manière, exactement ce qu'on attendait" ; comme l'amour, en somme

samedi 22 octobre 2011

"Tout homme sait voir, mais très peu savent toucher."





Incrédulité de saint Thomas, Caravage, 1602.
Sans-Souci, Postdam.


Je n'aimais pas trop cette réplique du Christ, "heureux ceux qui croient sans avoir vu". D'abord, Thomas ne s'est contenté pas de voir, il a voulu toucher aussi. "Tout homme sait voir, mais très peu savent toucher." Ce mot de Machiavel, je l'ai eu immédiatement en tête quand j'ai vu ce tableau pour la première fois, car il me semble que ce n'est pas rien d'être le seul à s'être avancé, d'avoir eu le courage de toucher, et aussi le talent de toucher, de savoir toucher du doigt ce qui fait preuve. Il y a une intelligence du toucher, et Thomas l'a eue. En plus, je trouvais cela facile à utiliser pour s'assurer, à toutes fins, de la docilité du troupeau : 'Bêle, ferme les yeux et laisse-toi mener docilement'. Croire sur parole : On allait fortement en abuser, dans l'Histoire, et ce n'est pas vraiment terminé.


Mais je repensais à ce post où je parlais déjà de ma difficulté à me représenter Dieu et aussi à cette impossibilité intellectuelle de savoir si j'ai ou non la foi, et il faut bien dire, cette indifférence à la question, parce que je n'arrive pas à m'intéresser au fait de 'croire', à trouver le 'croire' intéressant, sinon, à la rigueur, comme un premier pas, l'envie d'aller voir de plus près… ou de plus loin, d'aller toucher soi-même.

Je n'ai pas besoin de 'croire' en Dieu, parce que s'Il est, Il est en moi. Après tout, quand je suis en présence de quelqu'un, je ne 'crois' pas en sa présence, elle est ou n'est pas.

Et si je ne Le vois pas, Le sens à peine, ne serait-ce pas parce que je ne puis Le voir plus que je ne me vois ? Je ne Le vois pas plus que je ne vois mon visage, je ne vois pas ce qui est derrière moi, à l'arrière de moi, de ma rétine, en moi, dans chacune de mes cellules. Il est en moi et je suis en Lui. Quelle drôle de schéma, cela ferait, d'ailleurs ! Être une cellule d'un tout, et que ce Lui-là soit cependant en chacune de mes cellules. À ce stade, qu'ai-je besoin de Le voir en dehors de moi et d'avancer vers Lui comme Thomas, comme on tente de gagner un Saint des saints ? Le Saint des saints, c'est moi, comme Mansûr Hallâj, Ana-l- Haqq, ou bien Bayâzid, autour de qui vint tourner la Kaaba. Comme une lampe allumée ne peut voir sa lumière, je ne vois ce que je vois mais je ne vois pas ma vision, car je suis le Regard. Ana-l-Haqq.

La figure extérieure et visible qui s'offre à notre adoration est un miroir dont nous avons besoin pour voir nos visages célestes. Mais c'est aussi ce Lui en nous, qu'elle nous montre. D'où ce mot du Christ qui, peut-être, ironise sur le fait qu'il lui faille un Dieu extérieur, un truc extraordinaire et miraculeux qu'on tripote parce qu'on en croit pas ses yeux, alors qu'Il n'a pas quitté Thomas d'un instant, 'mon Seigneur et mon Dieu !'

Et le mal, dans tout cela ? Se croire et se vouloir seul alors que toujours et fatalement accompagné ? Fermer la porte à celui qui "se tient toujours à proximité, et s'il ne peut rester à l'intérieur, il ne va jamais plus loin que sur le pas de la porte", comme dit Maître Eckhart ?

samedi 15 octobre 2011

C'est moi la Vérité


''Dans le temps il n'y a pas de présent, il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais.'

'La venue du Christ est subordonnée à la venue du monde lui-même, à son apparition comme monde.'

'La Vérité du christianisme diffère par essence de la vérité du monde.'

'C'est seulement lorsque la vérité est comprise comme celle du monde, lorsqu'elle fait voir toute chose en la plaçant hors de soi, que la division du concept de Vérité, la différence entre la Vérité elle-même et ce qu'elle montre – ce qu'elle rend vrai – se produit.'

'Dieu est cette Révélation pure qui ne révèle rien d'autre que soi. Dieu se révèle.'

'À Dieu compris comme son auto-révélation selon une phénoménalité qui lui est propre, un accès n'est susceptible de se produire que là où se produit cette auto-révélation et de la façon dont elle le fait.'

'Car la Vie n'est rien d'autre que ce qui s'auto-révèle.'

'Vivre n'est pas possible dans le monde.'

'il n'y a qu'une seule Vie, celle du Christ qui est aussi celle de Dieu et des hommes.'

'dans la biologie il n'y a pas de vie, il n'y a que des algorithmes.'

'nous voyons des êtres vivants mais jamais leur vie.'

'Toute signification vide concernant les choses – que celles-ci soient sensibles ou intelligibles –  est susceptible de se changer en une intuition remplie, en une perception. C'est ce qui ne se produit jamais dans le cas d'une signification visant la vie.'

'Ce n'est pas la vie qui donne accès à elle-même.'

'n'est-il pas paradoxal pour qui veut savoir ce qu'est la vie d'aller le demander aux infusoirs, dans le meilleur des cas aux abeilles ? Comme si nous n'avions avec la vie que ce rapport tout à fait extérieur et fragile avec des êtres dont nous ne savons rien – ou si peu de choses ! Comme si nous n'étions nous-mêmes des vivants !'

'la venue au monde interdit d'avance toute naissance concevable s'il est vrai que dans le "hors de soi" du monde l'étreinte de la vie avec soi serait brisée avant que de se produire – si la Vérité de la Vie est irréductible à celle du monde.'

'la Vie s'engendre elle-même comme ce Vivant qu'elle est elle-même dans son auto-engendrement.'

'le chemin qui conduit au Christ ne peut être que la répétition de son Archi-naissance transcendantale au sein du Père.'

'aucun homme n'est le fils d'un homme, et pas davantage d'une femme, mais seulement de Dieu.'

'Dans la vérité du monde tout homme est le fils d'un homme, et donc aussi d'une femme. Dans la Vérité de la Vie tout homme est fils de la Vie, c'est-à-dire de Dieu lui-même.'

'dans le monde et dans l'extériorité de son "au-dehors", aucun "vivre" n'est possible – aucun vivant non plus par conséquent.'

'C'est le concept de la Vie qui n'apparaît en aucun monde et ne se révèle qu'en elle-même.'

'la naissance ne consiste pas dans cette succession de vivants présupposant chacun la vie en lui, elle consiste dans la venue de chaque vivant à la vie à partir de la Vie elle-même.'

'd'accès au Christ il n'y en a que dans la vie et dans la vérité qui lui est propre.'

'la Vie a le même sens pour Dieu, pour le Christ et pour l'homme.'

'La Vie s'auto-engendre comme moi-même.'

'La Vie m'engendre comme elle-même.'

'Le Soi ne s'auto-affecte que pour autant que s'auto-affecte en lui la Vie absolue.'

'Y aurait-il un vivant qui se passe de la vie, un moi dans l'Ipséité originelle d'un Soi en lui ?'

'L'homme du monde n'est qu'une illusion d'optique. L'"homme" n'existe pas.'

'tout ce à quoi nous pouvons accéder se montre à nous dans le monde.'

'L'homme naturel est barré dans le temps même où sa condition de Fils est posée.'

'telle est l'essence de l'Archi-Ipséité générée dans la Vie absolue que, donnant à tout ce à quoi elle se donne de s'éprouver soi-même, elle en fait, dans l'effectivité phénoménologique de ce s'éprouver soi-même, un Soi absolument singulier et différent de tout autre.'

'en chaque moi son ipséité ne procède pas de lui, mais c'est lui qui procède d'elle.'

'Cette condition de l'homme comme Fils est précisément ce qui permet son salut.'

'Retrouver dans sa vie propre la Vie absolue, voilà qui n'est possible précisément que dans la vie elle-même et dans la Vérité qui lui appartient.'

'jamais ce qui est engendré dans ce procès d'auto-engendrement de la Vie ne se rapporte à ce qui l'engendre comme à un avant dont il se serait séparé par une distance quelconque, par la distance d'une ek-stase – en l'occurence par l'ek-stase du passé.'

'Toute forme de rapport qui ne tient pas sa possibilité de la mise à distance d'une ek-stase, la puise dans le pathos.'

'L'auto-transformation de la vie voulue par elle, consistant dans une faire et qui la reconduit à son essence véritable, c'est l'éthique chrétienne.'

'Faire la volonté du Père désigne le mode de vie dans lequel la vie du Soi s'accomplit de telle façon que ce qui s'accomplit en elle désormais, c'est la Vie absolue selon son essence et son réquisit propre.'

'Dans l'œuvre de miséricorde, et c'est en quoi elle est une œuvre, s'opère la transmutation décisive par laquelle le pouvoir de l'ego est reconduit à l'hyper-pouvoir de la Vie absolue en lequel il est donné à lui-même.'

'Seule l'œuvre de miséricorde pratique l'oubli de soi en lequel, tout intérêt pour le Soi étant écarté et jusqu'à l'idée de ce que nous appelons un soi ou un moi, aucun obstacle ne s'oppose plus au déferlement de la vie dans ce Soi reconduit à son essence originelle.'

'Dire paradoxalement que l'action est invisible, c'est lui assigner un mode de révélation radicale, celui-là même de la Vie, c'est-à-dire en dernier lieu de Dieu lui-même.'

'la Loi n'est plus une représentation et ne peut l'être. Et cela parce que la Loi qui commande l'agir ne saurait être d'un autre ordre que l'agir lui-même, lequel appartient à la Vie, ne déploie son essence qu'en elle.'

'loin de résulter du Commandement l'amour en est au contraire la présupposition.'

'Dans la pratique du Commandement d'amour, c'est la Vie absolue qui donne le Fils à lui-même en se donnant à soi qui agit, de telle façon que, dans cette pratique, c'est Dieu lui-même qui s'auto-révèle, qui s'aime lui-même de son amour infini.'

'C'est parce que ce monde de révélation se propose en lui-même comme une antinomie qu'il détermine la structure antinomique de la vie elle-même.'

'Ce n'est pas la souffrance elle-même, c'est le souffrir inclus en elle comme tout ce qui la livre à elle-même, qui conduit au jouir impliqué en tout souffrir et rendu possible par lui.'

'loin de nous détourner du monde, le christianisme constitue au contraire la voie d'accès qui conduit à ce qui est réel en lui – à l'unique réalité.'

'La relation entre les ego cède la place à la relation entre les Fils.'

'L'être-en-commun des Fils réside dans leur condition de Fils.'

'la négation de Dieu est identiquement celle de l'homme.'

'que reste-t-il de l'homme hors de la Vérité de la Vie, dans la vérité du monde ?'

vendredi 14 octobre 2011

C'est moi, la Vérité



Michel Henry, dont je découvre l'œuvre, m'a captivée instantanément. Enfin une pensée chrétienne de valeur, libre, inventive ! C'est la première fois, depuis Maître Eckhart, qu'un philosophe me fait dire : "Ah oui, c'est bien d'être chrétien, aussi bien que d'être musulman ! (c'est-à-dire néo-platonicien d'Iran, en gros…).

Sa théorie de l'Archi-Fils contenant tous les Fils (humains), comme les cellules de ce corps de Vie, est intéressante. Son 'nous sommes tous des christ, des fils de Dieu, une fois que nous nous sommes souvenus de notre filiation divine', rejoint bien ce que je me dis depuis plusieurs mois, entre l'homme co-créateur d'Iqbal et même ces cantates de Bach où 'Christ/christ' veut dire tout aussi bien messie que chrétiens, c'est-à-dire tous oints du Seigneur.

Michel Henry a peut-être répondu à des questions que je pensais insolubles ou difficiles à résoudre : comment 'se forcer' à aimer la vie, soi-même, les autres, quand on n'aime pas ? Or, ne pas aimer la vie mais la Vie, ne pas s'aimer, soi, mais l'Enfant de Dieu en soi, ne pas aimer ces cornichons de prochains mais le Fils en eux, d'accord. Je n'aime pas la vie phénoménale, parce qu'elle n'existe pas et comment aimer l'inexistant ? C'est le Royaume, que j'aime, et ceux qui sont de ce Royaume.

Sur la Loi qui s'oppose à la Vérité-Christ, toujours (ou vice-versa) : De même que, dès que l'on met du sacré dans ce monde, lieu, objet, institution, on devient idolâtre, se peut-il qu'à chaque fois que l'on plie ses actes à un 'règlement', un interdit immuable, dicté, la loi en somme, on trahisse le christianisme qui n'est que Vérité vivante et donc multiforme, changeante, toujours renouvelée, 'jamais la même ni tout à fait une autre' ?

Un passage sur l'être soi qui est forcément 'se souffrir', lié fatalement à la joie me remet en mémoire repense à Maître Eckhart et son 'Dieu souffre 1000 fois dès que tu souffres', ce qui irait donc plus loin que partager l'amour et la jouissance de soi : la souffrance qui est en nous, vient de la même source.

"Si grande que soit la souffrance, du moment qu'elle vient par Dieu, Dieu en souffre en premier lieu. Oui, par la vérité que Dieu est, jamais une souffrance, un désagrément ou une contrariété, qui nous tombe dessus, n'est si petite, que, dans la mesure où on la remet à Dieu, elle ne le touche infiniment plus que nous et lui est plus contraire qu'à nous." Maître Eckhart, Conseils spirituels. 


Moins convaincant sur la fin, quand il s'agit d'affirmer que Jésus est le Christ, et si Christ il y a. Il faut bien un Premier Vivant ? Bah oui, admettons, mais pourquoi lui, justement ? Des Maîtres divinisés, ça court toutes les ruelles du monde… Alors simplement dire 'parce que ne pas croire en Lui c'est être mort, c'est rester des non-Fils,' soit 'acquiescez ou restez morts', c'est un peu menaçant, comme argument, mais pas vraiment convaincant.

Il y a surtout, du moins dans cet essai, une transformation curieuse de la Trinité en dualité : Père/Fils et rien d'autre, l'Esprit escamoté. Je me demande pourtant si ce 'troisième larron' n'est pas un espace de respiration, de soulagement, un souffle qui nous permette d'être autres que de simples reproductions de l'Archi-Fils, coincés ainsi entre Vie et incarnation. N'a-t-il pas annoncé, après Lui, la venue de l'Esprit ?

C'est moi la Vérité. Pour une philosophie du christianisme

samedi 8 octobre 2011




Découvert l'antésite. J'aime assez.

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Tous ceux qui écrivent 'tord' pour tort.

'Y a comme un différentiel entre les deux', phrase qui remporte sans conteste la palme de la laideur en plus de ne rien vouloir dire (un différentiel est un système mécanique).

'En période de fertilité, les femmes parlent plus aigü' ; on sent que le rédacteur sait qu'il y a un truc avec le ¨ à ne pas oublier dans cette histoire, on le lui a dit, alors mettons-en partout, Dieü reconnaîtra les siens.

Ministre homicide : 'En France, la castration chimique avait été envisagée en 2009 après le meurtre d'une joggeuse par Michèle Alliot-Marie' 

Sinon, appris l'expression 'tour des anges', en finances, qui me ravit.

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tournedos, fondue d'oignons au vinaigre de framboise, gratin de courgettes à la mozarella.

infusion de thym, basilic, citron, miel et valériane d'Iran (ou enfants d'Aragog). Le thym le basilic et le miel ont enrayé le mal de gorge, je cherche encore une potion magique contre la sinusite et les maux de tête. Je déteste avoir mal à la tête alors que je n'ai bu que de l'eau depuis 2 semaines. C'est franchement IMMORAL.

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Je me demande pourquoi les gens ont un air effrayé quand ils entrent en biblio alors que j'écoute Domenico Belli.

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'Par exemple, on dit d'Untel qu'il a un penchant pour les femmes, de tel autre, un penchant pour les petites filles.'Nasir od-Din Khosrow, dans Le Livre des deux Sagesses. Le ton benoît et bonhomme avec lequel il énonce son exemple a quelque chose de savoureux sous le calame de ce pieux ismaélien. Autres temps, autres mœurs.

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Vu le nombre de doctorants qui me demandent de leur 'faire une bibliographie', je me demande ce que veut dire aujourd'hui le mot 'chercheur'.

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Rien de plus bête que la 'sagesse' du Siracide. Enfilade de lieux communs, plat bon sens, très 'vieux con' dans l'esprit. On imagine un vieillard radoteur et ronchon sermonnant la jeunesse tout en lui en voulant secrètement de ne plus avoir l'âge de courir le guilledou : "obéis à ton père, fais pas pleurer ta mère, méfie-toi des femmes, du vin, n'invite pas l'étranger chez toi", etc. Morale mesquine à l'usage des petits boutiquiers de la vertu. Au reste, ce genre de platitudes sentencieuses fleurissaient dans tout l'Orient antique, rien de très original, ni inspiré.

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Le récit du portrait photographique de la grand-mère, pris par Saint-Loup, sachant ce que le narrateur ne sait pas encore.

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Merveilleux Côtes du Jura blanc, 2006 (qui m'a d'ailleurs passé ma crève mieux que toutes les tisanes de thym).

samedi 1 octobre 2011


3 sachets ouverts et c'est toujours pas ça qu'il veut, là, tout de suite, ce soir : drame, danse sonore et gestuelle de la faim, harcèlement moral… Je regrette l'époque où l'on brûlait les chats en place publique.


 Enfilé étourdiment le jean sur lequel j'avais renversé du café. M'en suis aperçue sur le quai de gare. La classe.


Reçu Nasir ed Dîn Khosrow, Le Livre des deux sagesses et Michel Henry, C'est moi la vérité. J'espère trouver en ce dernier enfin de la bonne, de la vraie métaphysique chrétienne, au lieu d'une théologie mécanique ou de la mystique alanguie et doloriste.



Google aide à remonter le Temps : 'photos de l'islam au moyen age' 


Toute la journée mon fer à repasser est resté branché et commençait de faire fondre gentiment la bouilloire électrique. J'ai un Ange-Gardien très performant, mais il faut dire que je l'entraîne beaucoup.


Changé la présentation d'Amedî, avec le nouveau joujou de blogger, la Dynamic Views. L'allure en est très sérieuse, très magazine, mais je perds tous mes gadgets, liens, stats, etc. Écrire à l'aveuglette, dans l'isolement, pas mal non plus.



Pourquoi, dans la ville d'Ahwaz, nul n'échappe-t-il à la fièvre tandis qu'au Tibet nul ne connaît les soucis ? 
'Tout le monde de s'attribuer le "moi" ; mais à quoi s'applique-t-il ce moi ? Parle ! Ne te gratte pas la barbe !"
"Combien de cavaliers qui ne savent même pas nouer leur pantalon !"

lundi 19 septembre 2011

Zodiaque




Au-dessus de nos têtes, ni gouffre, ni noir
Mais le livre du Bien et du Mal.
Le zodiaque nocturne, nous le couvons du regard,
Ce tango éternel des étoiles.

On contemple, la tête rejetée en arrière,
Le silence, le secret, l'éternité.
Les routes des destins, notre vie éphémère,
Sont tracées là, en invisibles repères
Qui peuvent nous garder, nous protéger.

Nectar brûlant aux frimas de février,
Tel le saint chrême, douce infusion,
Le Verseau épanche sa belle eau étoilée
Dans le Capricorne au gosier sans fond.

Le flot céleste est sinueux, fulgurant,
Aux couleurs de mercure et de sang.
Mais des fers aux brumes de mars s'évadant,
Ver leur frai nagent les Poissons puissants
Remontant les lactés affluents.

Le Sagittaire a dardé tous ses traits,
En décembre, il est dolent, chagriné.
Dès lors, le Taureau, sans crainte, peut folâtrer
Dans les clairs pâturages de mai.

Du fond de son mois d'août, le Lion affamé
Lorgne le Bélier d'avril de façon bien suspecte.
En juin, ouvrant aux Gémeaux leurs bras légers,
De leur constellation, les jeunes Vierges ont fait
de la Balance, une escarpolette.

Les ténèbres sont percées de rais de lumière.
Comme le fil d'Ariane, ils sont concrets.
Le cruel Scorpion, le mystérieux Cancer
Sont éloignés de nous, neutralisés.

De son zodiaque, l'homme ne s'en plaint mais
Au décri, les étoiles seraient-elles sensibles ?
Ces constellations, au ciel il les a arrachées,
En un métal noble, il les a enchâssées
Et le mystère devint accessible.

Ballades, Vladimir Vissotsky, trad. Michel et Robert Bedin.

Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.