jeudi 12 juin 2008

Futuwwa


Comme l'intelligence et la ruse, les vertus de la futuwwa ou djavanmardî sont vues comme des qualités plus naturellement féminines, soit la sincérité, le désintéressement et le courage extrême ; ainsi le murshid de Dhûl-l-Nûn en Djavanmardî, fut une femme du Khorasan :

"La source des informations concernant Fâtima de Nîshâpur comme maître de Dhul-l-Nûn se trouve chez Sulamî, et elles ont été recueillies par Ibn al-Jawzî puis par Ibn 'Arabî. Le texte de Sulamî fait état de la grande admiration qu'avaient pour elle Dhû-l-Nûn et Abû Yazîd al-Bistamî ; il précise que c'est à La Mekke que Dhû-l-Nûn l'a connue et qu'elle est devenue son maître, il cite un certain nombre d'instructions spirituelles que Dhû-l-Nûn avait reçues d'elle, il mentionne qu'ils se sont trouvés à nouveau réusnis à Jérusalem, et il indique la date de sa mort à La Mekke en 223/838. Il nous est possible d'apporter quelques précisions supplémentaires, grâce aux recoupements que permettent de faire les paroles d'Abû Yazîd al-Bistamî à l'endroit de Fâtima, rapportées par Sulamî. On les retrouve en effet chez Hujwirî (Kashf al-Majûb, p. 120) dans la bouche d'Abû Yazîd à l'adresse de Fâtima l'épouse d'Ahmad ibn Khidrûya al-Balkhî, bien connu comme maître de la futuwwa au Khurâsân (mort en 240/854), et Hujwirî ajoute que Fâtima et Ibn Khidruyâ s'étaient établis à Nîshâpûr. Celle qui fut le maître de Dhûl-l-Nûn et l'épouse d'Ibn Khidruyâ ne serait qu'une seule et même personne. Annemarie Schimmel, dans Mystical dimensions of Islam (p. 427) n'hésite pas à les identifier sans discussion. Le rôle de maître spirituel qu'elle a assumé est confirmé par des textes que l'on trouve chez Abû Nu'aym (Hilya, X, p. 42), Ibn al-Jawzî (Talbîs Iblîs, p. 339) et 'Attâr (Le Mémorial des saints, trad. Pavet de Courteille, p. 245). Abû Yazîd allait jusqu'à dire à Ibn Khidruyâ : "Apprends la futuwwa de ton épouse !", ce qui ne devait pas manquer de mortifier Ibn Khidruyâ, réputé maître en la matière. On comprend l'importance de cette identification, car elle signifie que la spiritualité khurâsânienne de la futuwwa, virilité et héroïsme, chevalerie de la foi, a été transmise à Dhûl-lNûn par Fâtima de Nîshapûr. Les deux mots clefs de la futuwwa sont al-îthar, le fait de donner la préférence à l'autre, et al-sidq, la sincérité courageuse et énergique, et il est remarquable que l'ultime instruction donnée à Dhû-l-Nûn a été : "Persiste dans la sincérité, et combats ton âme charnelle en tes oeuvres !" Dhû-l-Nûn n'oubliera pas la leçon, et c'est la définition que lui-même donnera de la sincérité qui passera à la postérité, que tout le monde répétera après lui, et qui deviendra proverbiale : "La sincérité est le sabre de Dieu sur la terre ; où qu'elle soit appliquée, elle ne peut que trancher." Quant à l'îthar, le choix préférentiel de l'autre à soi-même (autrui et Dieu), on notera que, curieusement, Dhû-l-Nûn le fait intervenir dans la définition du soufi qu'on lui avait demandée, comme si déjà l'assimilation était faite entre la futuwwa khurâsânienne et le "soufisme" (tasawwuf)."

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.