mercredi 2 avril 2003

Reçu des photos de la guerre, de celles que diffusent les chaînes arabes. Quelques clichés classiques, celles des soldats iraqi morts dans leurs tranchées un drapeau blanc à la main, un gosse sur un lit d'hôpital, d'autres plus crus : ce qu'il reste du crâne d'un enfant, cuir chevelu en lambeaux, boite cranienne ouverte comme une coquille fracassée; le cadavre d'une fillette aux pieds arrachés portée par un vieil homme, un amas de poussière et de chiffons complètement aplatis où est incrustée une tête d'homme.

Est-ce que montrer est nécessaire ? On dit : il faut voir l'horreur pour la combattre. Mais ces images sont terribles parce que peu habituelles. Si elles étaient vues quotidiennement, combien de temps faudrait-il à nos yeux pour qu'ils ne les voient plus ? Je ne crois pas que la vue de la guerre rende les peuples pacifique, pas plus que les exécutions publiques inclinaient les esprits vers l'abolitionnisme.

La guerre et le dépeçage ravale le corps humain au rang d'objet sans signification, grotesque, quelque chose qui attire l'horreur et est en même temps dégradant. Semble dégradé de la dignité humaine le corps qui n'a plus figure humaine. Mais ces photos circulent avec une injonction péremptoire, celle de regarder, de regarder ce qu'ils font, ce qu'est la guerre, ce que l'on ne montre pas en Occident et ses écrans aseptisés. Cette circulation a certes pour intention de frapper d'horreur et d'inciter les gens à haïr la guerre. Mais n'est-ce pas aussi une atteinte à la dignité de ces corps de montrer aux regards ce qu'ils sont devenus ? Aurait-on soi-même la force de montrer au monde ce qu'est devenu un corps bien-aimé ? N'est-ce pas le geste le plus primaire et le plus naturel et le plus humain de couvrir le cadavre ?

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Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.