mardi 31 décembre 2002

La musique de Beethoven (la IX° symphonie par exemple) peut sembler, parfois, insupportablement bête dans son optimisme. Crispante.

dimanche 29 décembre 2002


"Les portes ouvertes. Suprême métaphore de l'ordre, de la sécurité, de la confiance : "On dort les portes ouvertes." C'est bien parce qu'on dormait qu'on faisait le rêve des portes ouvertes ; dans la vie de tous les jours, y répondaient, dès qu'on ouvrait l'oeil, et spécialement pour qui aimait l'ouvrir et y regarder de près, et comprendre et juger, autant de portes closes. Principale porte close, les journaux."



"Vous connaissez mes idées", dit le procureur général. Excellent début : de quelqu'un dont on ignore les idées et même s'il en a jamais eu."

"Considérez si les instincts qui bouillonnent à l'occasion d'un lynchage, la fureur, la folie des gens, ne sont pas en définitive, d'une atrocité moindre que le rite macabre promu par une cour de justice émettant un arrêt de mort : un arrêt qui, justement au nom de la justice, du droit, de la raison, du Roi par la grâce de Dieu et la volonté de la nation, livre un homme, comme c'est chez nous le cas, au feu de douze fusils : douze fusils épaulés par douze hommes qui, enrôlés pour garantir le bien public, ce bien suprême qu'est la vie, à un certain moment se sont sentis appelés, et ont répondu de toute leur volonté, à commettre un crime qui restera non seulement impuni mais sera récompensé... une vocation à l'assassinat qui se réalise avec gratitude et gratification de la part de l'Etat.
-N'exagérons rien", dit le procureur."

"Tant il est vrai que nous nous trompons souvent en jugeant nos semblables comme en tout point semblables à nous-mêmes. Il en est de pires, mais de meilleurs aussi."


samedi 28 décembre 2002

"L'auto-destruction n'est qu'une technique pour construire autre chose que soi."

Marc-Edouard Nabe.

vendredi 27 décembre 2002

Malheur intermédiaire


"Quand un malheur survient, il expulse notre bonheur. Mais si nous surmontons ce malheur, nous obtenons un bonheur plus grand que le bonheur perdu...

- Attirer le malheur pour obtenir un plus grand bonheur est un calcul stupide. Pour que le bonheur obtenu soit plus grand que le bonheur perdu, il faut que le malheur intermédiaire soit un vrai malheur, imprévu et inattendu, épouvantable et effroyable."


jeudi 26 décembre 2002

Exécution

"Deux mouvements cruciaux dans l'exécution : le commencement et la fin. Le commencement doit être à l'image d'un cavalier lancé au galop ; celui-ci éprouve la sensation de pouvoir à tout moment freiner le cheval sans l'arrêter tout à fait. La fin, elle, doit ressembler à une mer qui reçoit tous les cours d'eau qui se déversent en elle ; celle-ci donne l'impression de pouvoir tout contenir, tout en étant menacé de débordement."

Wan Yu.

mercredi 25 décembre 2002


"Règle fondamentale aux échecs, dans la vie, en littérature : renforcer les points forts, jamais les points faibles."


lundi 23 décembre 2002

L'Usage du monde


"L'Asie engage ceux qu'elle aime à sacrifier leur carrière à leur destin. Ceci fait, le coeur bat plus au large, et il y a bien des choses dont le sens s'éclaire."


mardi 17 décembre 2002

"Nous autres, nous avons des droits différents des gens normaux, car nous avons des besoins différents qui nous mettent au-dessus - il faut le dire et le croire - de leur morale. Ton devoir est de ne te consummer jamais dans le sacrifice. Ton devoir réel est de sauver ton rêve."

Exposition Modigliani au Luxembourg. Cariatides gréco-africaines. Ou bien, ce n'est sans doute pas exprès, mais certains visages, ronds, à petite bouche, aux yeux bridés, semblent des plagiats de peinture seldjoukide.
Très beau portrait de Soutine, malheureusement écrasé par une lumière jaune, désastreuse, qui aplatit les couleurs et gomme les dessins au point que certains sont à peine visibles. Jamais vu un accrochage ausi calamiteux.
Ses fonds. Très beaux fonds, notamment celui du Nu couché qui évoque tant l'Olympia de Manet, avec les mêmes grands yeux noirs, directs. Chocolat/brun chaud, blanc cassé, très beau bleu/rouge.
Ses nus : douce sensualité, volupté discrète. Rien à voir avec l'hystérie convulsée de Picasso ou la radieuse "nature brute" de Matisse. Nudité blonde et rose : un Italien.

Fillette en bleu : très imposante. La présence et la gravité des enfants dans la littérature anglaise. Regard inquisiteur, attentif, qui sonde. Bleu liquide, aigue-marine des yeux, identique au mur pour accentuer l'effet transparent du regard.
Jeune fille à la frange (72).
Jolie Jeune fille au béret (77), fraîche et acidulée comme une illustration de livre enfantin.
79. La jeune fille rousse. Visage de trois-quarts, mince et jaune, comme un greyhound.

Le conformiste

"Par conséquent, de quoi un conformiste a-t-il peur exactement quand il est confronté à ces hautes élaborations esthético-théologiques ? DE DEVENIR FOU. C'est ce qui le fait reculer les lèvres pincées devant ce qui s'ouvre à lui comme abîme de la folie qui l'habite. C'est-à-dire de l'enfer qui l'habite. Car qu'est-ce qu'un/qu'une conformiste ? C'est quelqu'un/quelqu'une qui n'ose pas s'avouer que son désir c'est l'enfer. C'est pour cela qu'un/qu'une conformiste fonctionne dans la malveillance permanente, la calomnie généralisée sans se rendre compte qu'elles sont la cause de sa jouissance. Inconscient, le/la conformiste est tout simplement un corps qui ne sait pas, et n'a probablement aucune chance de savoir que son mouvement n'est rien que la nécrophilie vivante, un attachement à une sorte de spectralité."

Philippe Sollers.

samedi 14 décembre 2002

"Deux et deux font six, dit le tyran. Deux et deux font cinq, dit le tyran modéré. A l'individu héroïque qui rappellerait, à ses risques et périls, que deux et deux font quatre, des policiers disent : "Vous ne voudriez tout de même pas qu'on revienne à l'époque où deux et deux faisaient six !".

Philippe Sollers.

vendredi 13 décembre 2002

Tradition

Comme chaque année, le Beaujolais nouveau est dégueulasse.

Parle avec elle


Au Grand Pavois, vu Parle avec elle, d'Aldomovar. C'est le premier film de lui que je vois. Fable baroque, un peu irritante au début, puis prenante, âpre, pour finir je ne m'ennuyais pas du tout. Le hic, c'est qu'il y a peu de personnages vraiment attachants, sauf Alicia, mignonne de bout en bout et son professeur jouée par Geraldine Chaplin. La torera est une conne avec une gueule épouvantable quand elle embroche ces pauvres taureaux. Les taureaux par contre étaient remarquables... le premier avait un oeil d'une sérénité et d'une intelligence pathétiques devant les Barbares, l'autre (qui l'a vengé) la superbe prestance d'un minotaure de Picasso vu de trois-quarts, un oeil de justicier... Bref personne ne la regrette longtemps sur son lit d'hosto sauf l'autre connard de torero qui la vaut bien... L'écrivain pleure beaucoup, tellement que ça en est énervant, on dirait Pierre Richard dans Les Compères, sauf que Pierre Richard était drôle. L'infirmier a vraiment le physique de l'emploi, tout mou. Mais bon l'histoire accroche et la fin me plaît. Les fins miraculeuses me plaisent toujours. J'ai aussi aimé le dialogue sur les missionnaires violeurs de bonnes soeurs ou pédophiles, comme dans la vie on choisit dessert ou fromage.

Le film muet intercalé est assez stupéfiant. Surtout la reconstitution du sexe de l'amante vue en géante : caoutchouc mousse et tampon-jex.

mardi 10 décembre 2002

Être son propre temps à soi et l'être intégralement

Qâzî Sa'îd Qommî et sa métaphysique du Temps :

"Je ne veux pas dire que la totalité (de cette unité formée par la personne) soit existante dans le moment présent (le nunc). Il ne nous est pas plus possible de le dire que de dire, en considérant sa dimension dans l'espace, que la totalité de cette dimension existe, par exemple, dans la partie centrale. Je ne dis pas non plus que le temps passé soit existant dans les choses qui pour toi sont restées en arrière (dépassées), ni que le temps futur soit existant dans les choses à venir, puisque le temps n'est pas quelque chose qui a un temps et un lieu (et que cela reviendrait à parler d'un temps du temps futur et d'un temps du temps passé). Non pas, je dis que le temps qui est à tes yeux le temps passé, et que le temps qui est à tes yeux le temps futur attendu, en fait se tiennent embrassés l'un l'autre (ta'âqanâ) au regard de l'horizon suprême, et se tiennent à jamais embrassés pour celui devant qui il n'y a ni matin ni soir."

Embrassés l'un l'autre... et là je pense à mes dragons entrelacés...

Henry Corbin ajoute ensuite : "Qâzî Sa'ïd évoque les feuillets du livre qui seront déployés pour chaque homme au jour de la Résurrection. Les feuillets, ce sont les jours qui se succèdent, son quantum de temps à l'échelle de ce monde; le livre est l'ensemble de la vie. Et c'est au livre tout entier que correspond le malakût du temps de chacun; les feuillets que l'on tourne disparaissent si peu, qu'un être du Malakût peut les tourner à volonté dans un sens ou dans l'autre, et dans le grand Livre du monde il peut lire d'avance les feuillets. Puis notre auteur propose cette comparaison : "Reste une heure au bord d'un fleuve à contempler l'eau qui s 'écoule. Tu ne penseras certainement pas que l'eau qui s'est éloignée de toi, a cessé pour autant d'exister. Eh bien, il se peut que pour un groupe d'entre les hommes au coeur pur, il en aille pour le cours du temps comme pour le cours du fleuve."

Plus loin : "...il reste que Qâzî Sa'îd est un de ces philosophes et spirituels iraniens dont a beaucoup à apprendre celui qui veut non pas "être de son temps", "vivre avec son temps", suivant la devise triviale de nos jours, mais être son propre temps à lui et l'être intégralement."


Être son propre temps à soi et l'être intégralement. Voilà, tout est dit.

dimanche 8 décembre 2002

Barzakh

La plus belle définition du barzakh (l'intermonde entre l'Outremonde et ce monde), c'est quand même Ibn Arabî qui la donne :

"Le barzakh est une séparation idéale entre deux choses voisines, qui jamais n'empiètent l'une sur l'autre; c'est, par exemple, la limite qui sépare la zone d'ombre et la zone éclairée par le soleil. Cependant les sens sont incapables de constater une séparation matérielle entre les deux; c'est l'intellect qui juge qu'il y a là quelque chose qui les sépare. Cette séparation idéale, c'est cela le barzakh."
Dire que Hafez, ici, passe pour un poète libertin, un Abu Nuwas iranien !

"Si l'effusion de l'Esprit-Saint dispense de nouveau son aide, d'autres à leur tour feront ce que Christ lui-même faisait." Dîwan.

Avide

"Je suis avide quant à la vie et je suis avide comme artiste. Je suis avide de ce que le hasard peut, je l'espère, me donner qui dépasse de loin quoi que ce soit que je puisse calculer logiquement."

Francis Bacon.

vendredi 6 décembre 2002

"Quand deux individus se désirent vraiment, le démon souffre."

Philippe Sollers.

jeudi 5 décembre 2002

"Tout l'art de la guerre consiste à manifester de la mollesse pour accueillir avec fermeté ; à montrer de la faiblesse pour faire valoir sa force ; à se replier pour mieux se déployer au contact de l'ennemi. Vous vous dirigez vers l'ouest ? faites semblant d'aller vers l'est ; montrez-vous désunis avant de manifester votre solidarité ; présentez une image brouillée avant de vous produire en pleine lumière. Soyez comme les démons qui ne laissent pas de traces, soyez comme l'eau que rien ne peut blesser. Là où vous vous dirigez n'est jamais là où vous allez ; ce que vous dévoilez n'est pas ce que vous projetez, de sorte que nul ne peut connaître vos faits et gestes. Frappant avec la rapidité de la foudre, vous prenez toujours à l'improviste. En ne rééditant jamais le même plan, vous remportez la victoire à tout coup. Faisant corps avec l'obscurité et la lumière, vous ne décelez à personne l'ouverture. C'est là ce qu'on appelle la divine perfection."

Houai-nan-tse

mardi 3 décembre 2002

Ashiq


"Si vous aimez quelqu'un, aimez-le passionnément et à tout instant, c'est le temps en personne qui vous aime."


Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment. Dany Laferrière.